Depuis la fenêtre de sa chambre, Dan regardait le temps nuageux recouvrir la ville. Elle qui avait prévu d'aller profiter un peu de la campagne -vu qu'il n'y avait rien d'autre dans le coin- pour s'isoler et oublier à quel point les êtres humains en général l’écœurait. Elle soupira tandis qu'elle réalisait que son plan était définitivement tombé à l'eau. Parce que justement -en parlant d'eau- il s'était mit à pleuvoir. Et pourquoi elle était venue ici déjà ? Parfois, elle peinait un peu à s'en rappeler. Mais très vite elle zappait l'envie de partir d'ici pour retourner à sa ville natale. Plus elle était loin de ses parents, mieux elle se portait. Et l'avantage du Wyoming, c'est que la population au kilomètre carré n'était pas vraiment... très dense. Un bonheur qu'elle savourait chaque jour. Elle tourna en rond un petit moment, pianotant sur son ordinateur, maussade. Plutôt d'humeur productive, la brune ne se voyait pas rester ici et geeker toute la journée. Ce serait du gâchis, et Dan n'aimait pas ça. Alors, malgré ses résultats scolaires satisfaisant, elle décidait de se rendre à la bibliothèque pour travailler un peu. Elle aimait la sensation produite lorsqu'elle réfléchissait, se concentrait et apprenait. Elle se sentait sereine, pleinement satisfaite. Et puis là, l'avantage, c'est qu'elle n'avait pas la moindre contrainte. Pas de partiels, rien. Juste apprendre, pour son simple plaisir. Elle abandonna sa tenue pour trainer chez elle et opta pour une robe cintrée à pois blanc sur fond rouge. Oui, Dan était toujours très discrète dans ses tenues. Elle aimait ce look pin-up et il se trouvait qu'il lui allait plutôt bien en plus avec sa peau clair et ses cheveux d'ébènes. Elle mit son sac sur son épaule, un parapluie et la voilà qui s'élançait déjà, prête à braver le temps peu clément pour ce mois de Juillet. Classique Wyoming. Elle quitta donc la résidence pour les étudiants, à quelques kilomètres à peine du campus. Elle gara sa voiture sur le parking de l'université et trottina jusqu'à la bibliothèque, parapluie au-dessus de la tête. Un parapluie jaune. Son look, toutes ces couleurs contrastaient tellement avec son humeur noire, c'était assez déroutant. Elle n'avait rien d'une fille pétillante et joviale, contrairement à ce qu'on pourrait croire à première vue. Ah, les apparences ! Elle secoua son parapluie à l'entrée, le ferma et le glissa dans l'une des poches de son grand sac. Elle grimpa au premier étage pour trouver refuge sur une des tables perdues parmi les rangées de livres. Être tranquille, voilà tout ce à quoi elle aspirait ! Après avoir récupéré quelques livres digne d'intérêt, elle se mit à les feuilleter. La pluie qui s'abattait sur les vitres formait une douce mélodie qui la déconcentra bien vite, lui donnant finalement plus envie de ne rien faire. Elle abandonna donc ses livres, ne prenant même pas la peine de les refermer, se laissa aller en arrière sur sa chaise et sortit son téléphone de sa poche. Sms, mails, fb, forum littéraire, elle enchainait sans s'arrêter, pianotant à la vitesse de l'éclaire sur ses petites touches. Le bruit était si léger et rapide qu'on aurait pu le confondre avec les gouttes contre les fenêtres. Mais bien vite, elle se sentit observée. Elle cessa tout mouvement de la main et redressa la tête. A quelques mètres en face d'elle, un jeune homme qui la fixait, visiblement mécontent. Il lui arrivait quoi à celui-là ? Dan fronça les sourcils, elle ne lui avait rien fait. Elle haussa les épaules tout en marmonnant : « quoi son problème à c'lui là.. » A vrai dire, elle n'aimait pas spécialement être dévisagée ainsi. De toute façon, elle n'aimait pas grand chose -ni grand monde. Elle se replongea donc dans son activité favorite, l'oubliant. Et il ferait mieux d'en faire de même parce que Dan n'était pas non plus réputée pour sa patience. Ni pour sa délicatesse d'ailleurs.

Plongée dans sa passionnante activité, Dan avait décidé d'ignorer tranquillement le bonhomme qui semblait la fixer, mécontent. Si le spectacle qu'il voyait là le dérangeait, il se déplaçait et regardait ailleurs, tout simplement. Mais Dan n'avait nullement l'intention de cesser ce qu'elle faisait. Mince, elle avait bien le droit de faire une pause entre deux chapitres. Alors qu'on ne lui reproche rien, ça l'énervait. Mais le jeune homme en avait apparemment décidé autrement. Elle l'entendit approcher de sa table et Dan eut un petit soupire intérieur. Elle avait autre chose à foutre qu'essuyer les critiques d'un petit intello coincé qui ne supportait pas que l'on insulte sa merveilleuse petite bibliothèque adorée. Elle le sentait d'avance : c'était un pauvre mec. Et Dan n'aimait pas perdre son temps avec cette catégorie de la population. Enfin, ni avec aucune autre catégorie, mais bref. « Excuse-moi. » Non tu n'es pas excusé espèce de petite vermine puante. Ne lui accordant aucune attention, Dan continuait de faire glisser ses doigts sur son téléphone, terriblement grossière. Rien à faire. Un comportement qui, apparemment, agaçait de plus en plus son interlocuteur. Mais qu'il aille pester ailleurs bon sang ! Le message était clair pourtant, non ? « Excuse-moi ! » Son poing vint s'abattre sur la table, faisant monter d'un cran le sentiment de contrariété chez Dan. Elle pinça les lèvres et releva enfin la tête vers lui, prête à le bouffer tout cru s'il remettait ça. Elle le fusilla du regard, fâchée d'avoir été contrainte de lui accorder un peu de son temps. Mais elle fronça bien vite les yeux, son expression tirant alors plus vers la surprise et la réflexion. Bon sang... mais cette tête.. Ça lui disait quelque chose. Elle plissa les yeux, l'observant et le détaillant avec insistance, cherchant activement dans sa mémoire où elle avait déjà pu voir sa tête. Cet air nigaud, cette allure affreuse, ce visage.. Oui, oui attendez ! Ça lui revenait, elle le sentait ! « Tu es dans la bibliothèque ici. Et conformément au règlement, les portables sont interdits et ne doivent pas sortir des sacs. Si tu veux t'en servir, tu sors. » Mais Dan ne l'écoutait pas. Elle se fichait du règlement et de la petite crise existentielle de ce... RAPHAEL ! Ça lui était revenu comme un flash ! C'était l'illumination. Ses yeux s'arrondirent et sa bouche s'entrouvrit doucement, presque choquée de voir en face ce.. type. Oh-my-god ! Elle grimaça, comme dégoûtée par sa présence et recula bien au fond de son siège. Distance de sécurité. Elle referma la bouche et un fin sourire moqueur naquit à la commissure de ses lèvres. Elle se sentait soudainement très puissante face à lui et elle avait presque envie de... de rire tiens ! Oui, c'était tentant, vraiment. D'ailleurs, un léger ricanement lui échappa, à peine audible. Toujours son portable en main, elle se pencha finalement en avant, appuyant ses avant-bras sur la table, fixant le dénommé Raphael. Mon dieu, si Alicia voyait ça ! Et dans un grand sourire hypocrite, Daniella lança d'une voix doucereuse : « Oh je suis navrée ! J'étais juste en train d'envoyer un message à Alicia pour lui dire que son looser d'ex qu'elle a abandonné comme une merde avait trouvé une nouvelle passion : polluer l'espace vital des autres. » Elle marqua une pause, fit mine de réfléchir en tapotant son index sur ses lèvres avant d'ajouter tranquillement : « Ah bah non ! Tu le faisais déjà avant ça. » Elle eut un petit hochement de tête satisfait, se laissa retomber en arrière sur son siège. Tout en le fixant du regard elle releva son portable à son niveau et recommença à tapoter dessus, provocante. Prend ça, minable acarien.

Le sourire de Daniella s'élargit en voyant la mine surprise du jeune homme face à ses propos. Elle ne préférait même pas imaginer ô combien ça devait être désagréable de se retrouver devant une personne qui vous "connaissait" alors que vous, vous ne connaissiez rien d'elle. Une situation de force dont elle se délectait sans s'en cacher. Son sourire satisfait planait sur son visage dur, apparemment heureuse de blesser quelqu'un. La vérité, c'est qu'elle s'en fichait pas mal. Dan n'était pas le genre de garce qui fait tout pour enfoncer quelqu'un, qui passe sa vie à ramasser un tas de ragots pour s'en servir ensuite. Non, Dan ne pensait qu'à son petit monde privilégié qu'elle s'était créé elle-même. Le reste, les autres.. aucune importance ! Ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait, ce pauvre type à la dégaine hilarante, elle s'en moquait. Elle voulait simplement le décourager, le pousser à faire demi-tour et à lui foutre la paix. Qu'il crève, qu'il saute par la fenêtre, qu'il aille pleurer dans ses bouquins, qu'il se mouche dans la jupe de sa mère ! Dan n'en avait rien à foutre. Elle voulait seulement trainer ici et faire ce que bon lui semblait, qu'importe les règles, qu'importe les autres. L'idiot c'était alors mit à sourire à son tour, intriguant légèrement la brune. Qu'avait-il donc à sourire de façon aussi stupide ? Avec cet air victorieux sur le visage, comme s'il connaissait déjà l'issu du combat. Un combat qu'il risquait d'ailleurs de livrer seul, Dan avait d'autres chats à fouetter. Et perdre son temps pour un minable de son espèce ne l'intéressait absolument pas. Il referma brusquement les livres de Dan. C'était quoi ça ? Une démonstration de force ? Un petit truc histoire d'ajouter de la crédibilité à sa colère ? Daniella ricana, le trouvant de plus en plus ridicule. Distrayant même. « Je pense que tu as mal compris... Celle qui pollue l'air ici c'est toi. Et les déchets polluants, on s'en débarrasse. » Dan cligna des yeux plusieurs fois, un sourire tranquille sur les lèvres. Ce qu'il disait lui passait loin, loin, très loin au-dessus. Elle continua à pianoter sur son téléphone, l'ignorant. Comme on dit si bien : la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. Mais son air tranquille s'envola bien vite alors qu'elle se retrouvait les mains vides et qu'elle voyait l'opportun glisser SON téléphone dans sa poche. « Portable rangé ou confisqué. » Oh ça non, certainement pas. Ce n'était pas un garçon à la tête d'un pré-adolescent qui avait raté sa vie qui allait lui confisquer quoi que ce soit. Il allait le regretter, amèrement. Les sourcils de la brune se froncèrent et sa mâchoire se crispa, trahissant une mauvaise humeur croissante. « Alicia a beaucoup plus de classe que toi... T'es qui pour elle ? Sa simple domestique? » Daniella éclata de rire face à cette remarque ridicule. S'il pensait la vexer avec si peu, il se mettait le doigt dans l'oeil. Premièrement parce que Dan savait parfaitement ce qu'elle valait (oui, si modeste cette fille). Et deuxièmement parce qu'elle ne s'était jamais souciée des paroles des autres à son sujet. Il pourrait bien dire ce qu'il voulait, elle n'en rirait que plus fort. Mais son rire fut pour le moins ébranlé alors que ce fou se mettait à tirer sur sa chaise. « HEY ! » Elle se leva brusquement et fit volte-face afin de se placer devant lui, furieuse. Non mais c'était quoi son problème à lui ? Il était cinglé. « Si Mademoiselle veut bien se donner la peine... Nous serons ravis de lui trouver un autre endroit qui sied à merveille à son rang et à son fessier royal. » D'accord, très amusant, vraiment. Monsieur avait le sens de l'humour. D'ailleurs, son humour, elle le prenait, le foutait au feu et en dispersait les cendres dans la mer. N'ayant vraiment pas envie de perdre son temps avec lui, elle tendit sa main en avant et déclara : « Tu me rends mon portable et tu t'excuses et j'oublierais ce qu'il vient de se passer. » De quoi ? Dan qui se prenait pour la reine du monde ? Non, voyons, quelle idée ! Pas du tout. Mais voyant que le garçon n'obtempérait pas, la moutarde lui monta au nez et tout le peu de patience dont elle disposait partit en fumée, se consumant en quelques secondes à peine. Elle posa ses deux mains sur sa taille, contrariée. « C'est quoi ton problème ? Ta vie est si misérable que tu ne trouves rien de mieux que passer ta frustration sur les autres ? "Oh mon dieeu, j'ai un peu de pouvoir, je vais confisquer un portable, youhou je suis trop puissant comme garçon !" » Elle vint croiser ses bras sur sa poitrine et le fusilla du regard. « Écoutes, soit mignon, va ranger les livres au lieu d'importuner ceux qui se préparent à avoir un avenir brillant. » Bon certes, aujourd'hui elle n'avait pas vraiment été l'exemple même du sérieux et de l'étudiante modèle. Mais Dan n'avait rien à prouver, ses notes excellaient et elle s'apprêtait en effet à avoir un bel avenir. Sauf peut-être sur le plan personnel, mais ça, c'était une autre histoire. Un éclair de perfidie illumina son regard quelques secondes et elle retrouve alors son sourire mesquin. Elle tapota ses lèvres avec son index, faisant mine de réfléchir avant de déclarer : « Oh.. ! A moins que tu ne me piques mon portable dans l'espoir de récupérer le numéro d'Alicia. Et ainsi tu pourras à nouveau ramper à ses pieds comme un bravo toutou ! "Oh Alicia, reprend-moi, je ne suis rien sans toi, tellement misérable, un bon à rien ! je t'en priiiie !" » Dan s'amusa même à l'imiter un peu en joignant ses mains devant elle en signe de prière, sautillant sur place et affichant une mine de chien battu. Elle cessa et se remit à rire, le prenant clairement de haut.