Un corps retrouvé pendu à un arbre, et des cris partant dans tous les sens. L’un de ses cris provenait de Théa. La pauvre, elle était totalement affolée, apeurée par la situation. Ce n’est pas rien tout de même ce qu’il vient de se passer dans cette forêt. Une personne vient d’être retrouvée pendue à un arbre, et Théa ne pouvait vraiment pas regarder la scène. Elle se cacha alors les yeux pendant quelques instants, avant de se reculer et de courir un peu plus loin. Non, non. Elle ne voulait pas rester ici. Elle voulait rentrer sur le campus, tout de suite. Elle ne supportait peut-être pas être avec du monde, mais elle ne supportait pas non plus se retrouver dans ce genre de situation. Les minutes passèrent et Théa se retrouvait toute seule dans la forêt. Seule, au point de devenir paranoïaque et d’entendre des bruits partout autour d’elle. Elle n’arrêtait pas de tourner sur elle-même, ayant peur de se retrouver en face d’un fou ou même de quelqu’un qui la surprendrait. Pourquoi est-ce qu’elle était partie en courant alors qu’elle aurait pu rester avec les autres. Il ne faut pas rester seule, c’est dans ses moments là que les tueurs en série arrivent et tuent tout le monde. Il ne faut jamais se séparer et rester tout le temps uni. En entendant un nouveau bruit, Thé a recula alors un peu avant de se retrouver bloquée, touchant quelque chose et ne pouvant pas reculer plus. « AH ! » Oui, elle avait criée une fois de plus. Elle venait de reculer dans un arbre mais prise de panique, elle avait eu peur. Et l’instant d’après, Théa se mit à rigoler face à la situation, se sentant complètement ridicule d’avoir hurlé parce qu’elle avait eu peur d’un arbre. RI-DI-CULE ! Elle reprit alors sa route pour trouver quelqu’un quand l’orage arriva sur la forêt. Elle n’avait pas spécialement peur, mais elle était tout de même surprise. Mais c’était sans compter sur un nouvel éclair qui éclaira donc son champ de vision et elle remarqua qu’une personne se trouvait non loin d’elle. « NOM DE DIEU ! » Putain, mais il faut arrêter de lui faire des frayeurs comme ça. Ce n’est pas possible.

Les gens criaient. Fort, trop fort. Les gens paniquaient, les gens s’étaient mis à courir dans tous les sens, pour partir d’ici. Ça se bousculait de partout. Ils faisaient pitié à voir. Mes yeux bleus suivaient d’un geste nonchalant leurs mouvements. Cette fille qui s’évanouissait dans les bras de son copain. Ce type qui criait comme une fillette. Ils s’activaient comme des fourmis dont on brûlait la fourmilière. Moi, j’étais au dessus de ça. Moi, je ne faisais pas un bruit, je ne disais rien, je ne bougeais pas d’un pouce. On me bousculait, je tanguais, mais ne bougeais pas, mes pieds toujours parallèles, le dos droit. L’agitation commença à retomber, parce qu’il ne restait plus grand monde. Les gens s’étaient éparpillés… un peu partout. A gauche à droite en avant en arrière, ils avaient fuis cet arbre comme on fuit la peste. L’arbre. Je relevais lentement les yeux. Ce corps qui se balançait au grès du vent. Pendu, pendu, pendu. Pourquoi les gens criaient de la sorte ? Ce n’était qu’un cadavre, un corps sans vie, qui pendouillait lamentablement. Mes yeux bleus détaillaient avec attention le jeune homme en question, ou plutôt le CORPS du jeune homme. Tous les pendus se ressemblent. Je remontais jusqu’au visage. Fut presque surprise de ne pas voir une cravate, attachée autour du cou. Un craquement sur la droite me fit tourner la tête (toujours lentement), et je réalisais soudain que j’étais seule. Merde. Je fais comment pour rentrer au campus moi ? Je pestais, poussant un soupir, et tourna les talons, essayant de me souvenir par où nous étions passés. Et voilà. Non mais franchement ! Je savais que tout ça c’était une mauvaise idée ! Pitié, aller crapahuter dans les bois, mais QUI fait ça dans le monde réel ? … Et maintenant, je me retrouvais à devoir retrouver mon chemin seule : vraiment, une journée géniale ! Je tendais l’oreille, à la recherche de bruits, d’éclats de voix. « NOM DE DIEU ! » Ah, une voix, parfait ! J’approchais dans la direction dont elle m’avait semblé venir. « C’est moi ! » Ah, non, deux voix. Féminine et masculine. Bonne nouvelle : l’un d’entre eux saurait sans doute comment s’y prendre pour rentrer. « Enfin c’est moi Siley ! » Je me stoppais net. Siley ? Comme dans… Siley McKeenan ? … Je fronçais les sourcils, et passa ma langue sur mes lèvres. Mais alors… ça voulait dire que cette voix c’était… Théa ? Je fermais les yeux, me concentrant sur mes souvenirs, pour tenter de me rappeler, et d’être certaine… Rah, zut ! Il faut dire que cette fille était tellement peu intéressante que j’avais déjà tout oublié d’elle ! Sauf un détail… léger, léger détail… Raison de ma haine sans borne à son égard ! Je fis un léger pas en avant, plissant les yeux pour essayer de les apercevoir, tous les deux. C’était bien une chevelure blonde que je voyais mais… « Il y a quelqu’un ? » Mince ! Ce type avait l’oreille affutée ! Etais-ce à cause de toutes ces nuits en prison qu’il avait passé, où il avait appris à aiguiser ses sens pour entendre quand son compagnon de cellule bougeait pour venir s’occuper de lui, et tenter de protéger ses « arrières » ? … Je fronçais les sourcils, mécontente… Je fermais les yeux, inspira profondément, me vidant l’esprit, pour me mettre dans le « rôle »… Et déboula de derrière les arbres, me retournant, visiblement affolée. Je tournais la tête, croisant le regard de Siley et Théa, et poussa un cri, venant plaquer ma main sur ma bouche pour l’étouffer. « Oh mon dieu !! Vous m’avez fait tellement peur… je… je… » fis un bond en « imaginant entendre » un bruit derrière moi, et me rapprocha des deux. « Mon dieu mon dieu… C’était horrible… Oh mon dieu… » En route pour un Oscar.

Théa n’aimait pas être seule, et encore moins dans des moments comme celui-ci. Non mais sérieusement. Il ne faut tout de même pas oublier qu’elle a vu un homme pendu à un arbre quelques minutes plus tôt. C’est quand même flippant. Surtout qu’il était avec eux au départ, alors il s’est pendu ou on l’a pendu dans la soirée, alors qu’ils étaient tous à côté. Avec l’orage, elle avait flippée quand elle avait vu une personne auprès d’elle. Elle a tout de même le droit d’avoir peur de temps en temps ? Enfin, il faut tout de même éviter de lui faire des frayeurs pareilles. « C’est moi ! » OUF ! Théa se sentait un peu plus rassurée. Oui, parce que bon c’était facile pour elle de reconnaître la voix de Siley. « Enfin c’est moi Siley ! Est-ce que ça va ? » Il était maintenant auprès d’elle, et bizarrement elle se sentait tout de suite mieux. On ne peut pas oublier leur passé commun, voyons. Et Théa se sentait mieux de savoir que c’était sur lui qu’elle venait de tomber plutôt que sur n’importe qui d’autres. Théa s’apprêtait à lui répondre quand elle entendit des pas venant de pas trop loin d’eux. « Il y a quelqu’un ? » Sans même s’en rendre compte, elle s’était rapprochée de Siley, se mettant derrière lui. Et voilà qu’elle vit la fille a qui elle donnait des courses arriver en trombe vers eux. « Oh mon dieu ! Vous m’avez fait tellement peur... je... je... » Au moins, elle semblait encore plus apeurée qu’elle. Théa se rendit compte d’ailleurs qu’elle s’était rapprochée de Siley, et elle s’était éloignée discrètement. C’est bon, il n’a pas l’air d’avoir remarqué ce rapprochement. « Mon dieu mon dieu... c’était horrible... oh mon dieu... » Théa se rapprochait alors de Cleo, pour tenter de la calmer. « C’est bon, t’en fais pas. On ne craint rien là. » Théa arqua alors un sourcil avant de se tourner vers Siley. « On ne craint rien, hein ? » Oui, elle avait aussi besoin d’être rassurée un peu là, parce qu’elle allait vraiment commencer à flipper si ça continuait.

Privée de mon poste d’observation (et quel spectacle répugnant se déroulait alors sous mes yeux !) par l’oreille affutée de l’ex taulard, habitué à ce genre d’écoute distraite (pour entendre arriver les gays baraqués pendant les douches communes), je n’avais plus alors d’autre choix que de jouer la carte de la comédie. Jolie rousse effrayée, voilà qui marcherai sans le moindre problème. Avoir l’air effrayée m’attirerai leur sympathie. Les gens sont si faciles à manipuler, ils ne s’en rendent même pas compte. Affligeant. Peur. Horrible. Mon dieu. J’ai vraiment l’air terrifiée. Et ça marche. « C’est bon, t’en fais pas. On ne craint rien là. » La blonde s’était approchée de moi. Dans le but de me calmer, sans doute. Ce n’est pas comme s’il y avait quoique ce soit à calmer en réalité, mais je jouais le jeu. Encore. J’attrapais la main de Théa, comme pour me rassurer, me dire qu’en effet, tout allait bien se passer, maintenant. De toute façon, qu’est-ce qui aurait pu nous arriver ? Hello, le type s’est suicidé ! Il s’est pendu à un arbre, il n’a pas été décapité ! Il faudrait vraiment que les gens arrêtent de réagir comme des imbéciles, tout le temps, pour rien. « On ne craint rien, hein ? » demanda Théa en se tournant vers Siley. « Non, non vous en faites pas ! » Je levais les yeux vers la cime des arbres, dense, sombre. Les nuages venaient cacher le soleil, et un semblant d’obscurité semblait décidé à nous envelopper. Je fronçais les sourcils. Ça sentait l’orage tout ça. J’adorais l’orage. Vraiment. Je pouvais rester des heures à Washington, sur mon balcon, à regarder les éclairs zébrer le ciel, écouter le tonnerre gronder. Mais pas dans une forêt pourrie dans un état pourri. Se cacher près des arbres est la dernière chose à faire. Et je n’avais aucune envie d’être foudroyée. Je n’avais aucune envie que mon cadavre soit découvert dans les bois du Wyoming. Ce n’était pas une fin digne. « On devrait aller par-là, c’est là d’où l’on vient mais c’est le meilleur moyen de sortir de cette forêt rapidement. » Enfin quelque chose d’intelligent qui sortait de la bouche de ce type. « Moi je te suis ! » Je délaissais Théa (pas trop tôt), pour rejoindre le jeune homme en quelques enjambées. Je callais mon pas sur le sien, marchant près de lui. Assez pour qu’il sente ma présence, mais suffisamment loin pour ne pas penser que je me collais à lui. Calculé au millimètre près. Finalement, cette sortie en forêt pourrait prendre une tournure intéressante, et avantageuse, pour ma grande quête de la semaine : expulser Théa. « En tous les cas quoi qu’il arrive on reste ensemble ! » Je laissais échapper un petit rire nerveux. « C’est toujours ce qu’ils disent dans les films… Et au bout d’un moment… ils disent : il vaudrait mieux qu’on se separe ! Ils forment des groupes de deux, et puis, et puis… tout le monde meurt… » Je passais une main tremblante dans mes cheveux, soufflant, comme pour me calmer, au bord des larmes.