Jackie Daniels

« L'intelligence sans humour est difficilement de la vraie intelligence. »

La tête posée contre la vitre de l’autobus voyageur, les yeux plongés dans le journal du jour, je ne vois pas l’affiche aux lettres blanches qui m’accueille dans mon nouveau chez moi « Bienvenue à Laramie ». Je ne vois pas non plus mon arrêt, celle du campus. « Terminus tout le monde descend ». Je lève les yeux vers le devant du bus, le chauffeur me pointe de son gros index. Je regarde autour de moi, je suis la dernière âme qui vive. « Non. Non. Non. » Oui. Oui. Oui. Je me retrouve valises à la main, toute seule devant un casse-croûte sur le rebord d’une autoroute inconnue. Bon départ, vraiment. « Nous sommes désolés de l’erreur…C’est que Jackie…Ça fait si…Masculin. » « Moi qui croyais que Bob, Rob, Jack, Tom et Ted étaient si…Masculins. » Je souris à la secrétaire de l’administration qui tente de comprendre comment j’avais pu me retrouver dans la résidence des hommes. Elle me dévisage de la tête aux pieds. « Vous êtes si…Féminine pourtant. » « Je passerai le compliment à mes parents, comme quoi ils ont réussi leur petite besogne 22 ans plus tôt. » La secrétaire baisse la tête vers son ordinateur, gênée. Je me mords la lèvre inférieure, nerveuse. « C’est…Charmant…Papa, vraiment. » En d’autres mots, non papa, je ne t’en voulais pas du tout d’avoir perdu l’argent qui m’aurait permis de terminer ma maîtrise à Yale à la bourse. « Le programme de politique te convient? » Je souris à mon miroir « Oui maman, le programme me convient. » Je baisse mes prunelles vers le lavabo que je venais de nettoyer, étincelant. « Non, non, il ne se passe absolument rien d’étrange ici… C’est aussi bien que Yale. » Faux, obtenir ma License de journalisme à Yale avait été un pure bonheur tandis que mon arrivée ici n’avait été que maladroit. Il fallait être positif, ça ne pouvait que s’améliorer. « Un muffin et un grand café s’il vous plaît. » « On est en panne de café ». Mes yeux s’ouvrent à leur maximum tandis que je tends un billet au vendeur du petit stand à déjeuner. Ma bouche forme un O. « Que…Quoi…J’ai BESOIN de café. C’est une question de vie ou de mort. Vous voyez, sans café, je n’arrive pas à être coordonnée. Sans coordination, je suis un danger public. Si je suis un danger public, personne n’est en sécurité, personne…Même pas vous monsieur le vendeur…Qui cachez probablement un reste de café moulu quelque part sous ce chapeau filet…Bref ce truc que vous portez sur la tête. » « Plus de café. ». C’était ainsi que mon premier jour dans cette université se terminait. Perdue sur une autoroute maudite. Perdue dans le dortoir masculin. Perdue au téléphone avec mes parents. Perdue sans café. Bienvenue à Laramie jeune femme. Vermont, Connecticut, Wyoming. Collège privé, Yale, L'université du Wyoming. C'était le résumé de ma vie. Mon monde s'était écroulé six mois plus tôt quand mon père avait perdu mon avenir d'un coup de dés, une malchance à la bourse avait-il dit. Je n'avais pas bronché, car une femme comme moi, ça ne bronche pas. Ça boucle ses valises et ça part à la première université qui accepte un plan de financement minable. C'est pourtant avec une attitude optimiste que je me réveille chaque matin. Chaque jour était meilleur que le dernier, du moins, c'est ce que j'essayais de croire. J'essayais très fort. Et lorsque je n'y parviens pas, j'ouvre un livre pour m'y perdre.

Ton prénom ou surnom • Jen, Twinz, la canadienne, Tagada Ton âge • 20 ans Que penses-tu du forum ? • c'est cooooolos T'es arrivé là comment ? • lampe magique, trois voeux. of course. Crédit • tumblr Un dernier mot Jean-Pierre ? • Moi c'est Jennifer, pas Jean-Pierre. FOCUS.