« Lion des peuples vivants, errantes, condamnées, A travers les déserts courez comme les loups; Faites votre destin, âmes désordonnées, Et fuyez l'infini que vous portez en vous! » Je refermai mon livre, édition de 1857, en français, et me leva, venant le replacer dans ma bibliothèque, à côté des autres premières éditions que je possédais. Livre publié en 1857, seulement mille exemplaires imprimés, fortement réprimandé et censuré, etc., etc. Une bien tragique histoire pour un poète maudit. Bref. Je jetais un coup d’œil à ma montre, glissée autour de mon poignet fin, décrétant qu’il était peut-être l’heure que je me prépare pour aller honorer de ma délicate présence la population de cette université de bouseux. Je passais ma langue sur mes lèvres, mes mains dans la crinière rousse, et traversa ma chambre, pour venir ouvrir mon armoire, la première, celle de droite, où étaient rangées mes robes. Je laissais glisser mes doigts le long des étoffes soyeuses, songeant un instant à ces pauvres couturières qui avaient dû se piquer les doigts tellement de fois pour achever ces petites merveilles, qui valaient bien leur prix. Je souris à cette idée, amusée. Poor darling ! Mon choix fini par s’arrêter à une robe que j’avais toujours trouvé d’une simplicité déconcertante depuis que je l’avais achetée, portée une fois. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], justifiant le coût élevé. Comme si ça avait une quelconque importance ! Je saisis le cintre, et déposa le vêtement sur mon lit, faisant de même avec des sous-vêtements propres que j’avais pris dans la seconde armoire et, me déshabillant, entra dans ma salle de bain, et ouvrit le rideau de douche, tournant le robinet d’eau chaude. Une demi-heure plus tard, j’avais passé la robe, coiffé mes cheveux, et m’appliquais à maquiller de rouge mes lèvres. Mes escarpins Chloé n’attendaient plus que mes pieds, et ma pochette Yves Saint Laurent mon téléphone portable. Un morceau de papier blanc était coincé sur la bordure de mon miroir, sur lequel était inscrit l’adresse de la student party de ce soir. Paillettes et soirées, bienvenue dans mon univers. Tout n’est que… futilité, paraître, et excès. Délicieux. Mon reflet me satisfait… Ce n’est pas comme s’il ne me satisfaisait pas tout le temps en même temps ! Mais c’est le signe que je peux y aller. La porte se referme derrière moi, et je descends les escaliers de ma confrérie. Mon sourire s’élargit lorsque je vis le taxi juste devant l’entrée. Le pauvre (au sens propre du terme, je n’avais pas pour habitude de l’employer au sens figuré, sauf quand c’était ironique) chauffeur de taxi me jeta un regard mauvais. Calm down boy, ce n’est pas comme si ton compteur ne tournait pas depuis tout à l’heure. Tu l’auras, ton argent. Tu pourras acheter à ta gamine affreuse une nouvelle poupée Barbie aux cheveux blonds qu’elle prendra comme modèle en se demandant pourquoi elle ne peut pas être aussi blonde et aussi mince. J’ouvre la portière, et m’engouffre dans le véhicule, tendant le morceau de papier, sans un mot. Il m’assassine du regard, je lui souris. J’aime l’expression de son visage, ça me donne l’impression de n’avoir pas totalement perdu ma soirée. Elle commence si bien, c’est merveilleux ! Il roule, sans aucune délicatesse, faisant exprès de prendre tous les nids de poule et les dos d’âne sur sa route (peu nombreux certes), songeant sans doute que je vais crier, grogner, n’étant pas habituée à si peu de délicatesse, moi la Princesse Prada. Je ne bronche pas, je ne dis rien, je me contente de le fixer de mon regard bleu, glacial, à travers le rétroviseur. Lorsqu’il s’arrête, je sors de mon portefeuille la somme exacte, sans le moindre pourboire, la lance sur le siège avant, et sors du véhicule en claquant la portière. Son : « Zorra ! » résonne à mes oreilles alors que je m’éloigne et qu’il démarre sa voiture, si douce musique, signe de sa fureur. Je m’approche de l’endroit d’où s’échappe un autre genre de musique, pousse la porte, entre. Bref, je fais comme toujours : je n’attends pas d’invitation. Ça grouille de monde, et je me sens bien. Chez moi. Il fait chaud, je n’ai pas de veste. Dommage, si j’en avais eu une, je l’aurais lancé à la figure de cet idiot aux dents blanches, dont le regard vient de glisser le long de mes jambes, claquant de ma langue contre mon palais pour lui faire comprendre qu’il a reçu la divine tâche de la ranger quelque part. N’importe où, je m’en moque. Mais veste il n’y a pas, je me contente donc de l’ignorer royalement, traversant la pièce, à la recherche d’un verre… Les traditionnels verres en plastique rouge ne m’attirent pas ce soir. Je veux autre chose, quelque chose plus comme moi, quelque chose de pétillant, de classe. Champagne ? Où est le champagne. Je m’approche du « bar », regarde à droite, à gauche. Je peste. Il n’y a pas de champagne. What’s this place ?! … Ah, suis-je bête (non.), c’est le Wyoming. Je hausse les épaules, et saisis un verre propre et vide, lance un regard au type à ma droite.

« Vodka. Redbull. Now. »

Il s’exécute. Peur ? Peut-être. Mon verre est plein, je le porte à mes lèvres. Ça conviendra dirons-nous. Les bras croisés, parfaitement à l’aise, je regarde autour de moi. Je cherche, quelqu’un. Personne en particulier. Mon regard survole les hommes, scrute les femmes. Un regard, quelqu’un de frappant. Come on, vous n’allez pas me dire qu’il n’y a personne d’intéressant ici ! J’en viendrais presque à désespérer, quand je la vois. Brune, sexy, fougueuse. Jolie robe pour une jolie fleur. Mon sourire carnassier se dessine sur mes lèvres rouges, je passe ma langue sur mes lèvres, m’agitant légèrement, presque impatiente d’aller la voir. Je réfléchis. Oh et puis au diable les reflexions. Je traverse la salle, la pièce, arrachant des mains d’une blonde insipide un verre, direction cette belle brune. Sa voix me parvient, je me plante devant elle.

« Un verre ? » demandai-je en lui tendant celui arrachée à l’idiote de blondasse aux seins refaits d’il y a quelques secondes.

Non mais sincèrement, vous pouvez me dire vous pourquoi Dan s'était rendue à cette soirée ? Elle qui d'ordinaire était plutôt sauvage et préférait passer ses soirées enfermée dans sa chambre d'étudiante avait été prise d'un coup de folie et avait décidé de répondre à une invitation lancée sur facebook. Une soirée étudiante.. Ça ou le regroupement officiel des crétins de l'université, en manque d'alcool et de sexe. Là où les désespérés espéraient enfin pouvoir tirer un coup, là ou les plus populaires venaient s'afficher pour maintenir leurs images, là où les reclus de la société tentaient de se faire des amis. Et au milieu de tout ça : Dan. Rien à foutre de ces gens, rien à foutre de l'alcool. Personne ne visitera ses jambes cette nuit, personne ne lui contera fleurette. Elle vient, juste comme ça. Pour voir peut-être, poussée par une curiosité qui ne lui ressemblait pourtant pas. Les seules fêtes auxquelles elle participait d'ordinaire, c'était les siennes. Et là, mademoiselle se transformait. Adieu la solitaire grognon et bonjour la nymphomane agressive. Oui on pouvait le dire, Dan savait faire la fête. Mais pour ça, il fallait qu'elle le décide. Et ce soir, elle n'avait envie de rien. C'est donc en trainant un peu des pieds (façon de parler parce qu'avec des escarpins elle aurait vite fait de s'étaler par terre sinon) qu'elle descendit du taxi. Prudente de naissance, elle avait jugé préférable de ne pas venir en voiture. Imaginez donc que pour une raison inconnue elle se retrouve à boire plus que de raison, comment ferait-elle ? Elle n'avait ni envie de se tuer, ni envie de tuer quelqu'un et pas plus envie de se faire arrêter par des policiers. Passer une nuit au poste et perdre son permis, ça ne se faisait pas chez les Kingston ! Un peu de tenue s'il vous plait, merci. Arrivée devant l'entrée elle soupira avant de prendre une grande inspiration pour se donner un peu de courage. Elle était prête à parier que si elle était venue en voiture... elle aurait déjà fait demi-tour depuis belle lurette. Elle sortit de sa pochette un carton d'invitation et on l'a laissa passer. Venue sans veste, elle échappa à l'étape vestiaire et à son interminable queue. De toute façon, si c'était pour se faire voler ses affaires ou qu'on les lui perdent : non merci ! Elle se dirigea dans la salle déjà bien pleine où la musique battait son plein. Elle repéra déjà quelques pétasses, perchées sur des bancs, robes de toute évidence trouvées dans les magasins pour enfants, en train de se déhancher. Bordel, il n'était que 23h ! Dan ne préférait même pas penser ce que ça donnerait dans quelques heures. Pauvres âmes déchues. Elle se dirigea vers le bar, se frayant un chemin parmi la foule, rapide et agile. Elle sortit un billet et réclama une margarita frozen. Elle n'avait nullement l'intention de se mettre la tête à l'envers ce soir. D'un regard distrait, elle observa la marque rouge laissée sur son verre par ses lèvres, jusqu'à ce qu'une silhouette masculine ne se penche devant elle. Dans un mouvement de défense elle se recula d'un pas et posa un regard noir sur l'inconnu. Il se mit à lui déblatérer tout un baratin de dragueur du dimanche, tout ça pour en venir au final à lui payer un verre dans l'espoir de lui soulever sa robe. Sèche, elle ordonna : « Dégage. » Après quoi, elle lui tourna le dos, ne lui laissant pas une seule chance de répliquer. Quelques minutes s'écoulèrent et la voilà qui terminait déjà son verre. Elle regarda l'heure sur son portable et soupira. Il était finalement grand temps de s'en aller. Mais au même moment une tignasse rousse lui barra le passage : « Un verre ? » Dan cligna des yeux et regarda autour d'elle, comme pour s'assurer que c'était bien à elle que la rousse s'adressait. Décontenancée, Dan demeura tout d'abord silencieuse, faisant fi de son agressivité habituelle. Elle détailla l'inconnue avec insistance, cherchant à déceler une once de moquerie. Mais non, rien. Ses sourcils se froncèrent et elle demanda, plutôt froide : « C'est un paris ? Un défis stupide entre étudiants stupides ? » Elle s'empara du verre, lui arrachant presque des mains. Elle l'observa quelques secondes avant de reposer son regard sur son interlocutrice. « Qu'est-ce que c'est ? » Allé, pourquoi pas un dernier verre avant de s'en aller ? Son regard s'égara ensuite dans la foule, cherchant une bande d'idiots en train de rire face à cette scène, certainement les "amis" de la rousse, ne croyant pas un instant qu'elle serait capable d'aborder une fille. Puérile. Ridicule. Et une perte de temps considérable pour Dan ! Bon sang ce qu'elle les détestait tous.

La patience est une vertu chez les chasseurs. Malheureusement, j’en manque grandement. Que voulez-vous. Habituée, depuis mon plus jeune âge, depuis ma naissance, à obtenir ce que je voulais à la seconde où je le voulais, cette « qualité » n’avait pu se développer chez moi. Mais est-ce réellement une qualité ? L’exigence est une chose humaine. Chaque humain, l’est, aucun n’est patient à la naissance. Nous hurlons à la mort pour obtenir ce que nous voulons, parce que nous ne possédons pas le don de la parole, de nous faire comprendre autrement que par des cris et des pleurs. En grandissant, on acquiert cette faculté. Et aujourd’hui, c’est jouer de celle-là qui nous permet d’obtenir l’objet de nos désirs les moins, ou les plus, avoués. Et moi, chasseuse que je suis, une fois la proie repérée, je ne peux rester sans réagir. Je m’agite, je joue avec mon verre. Je l’observe, je la détaille, laissant courir mon regard bleu le long de son corps. Belle et brune. J’aime le contraste entre ses yeux et ses cheveux. Allez, trêve de rêverie. Je traverse la foule des corps, inutiles et gênants. J’ai envie de leur aboyer dessus, de reculer, de s’écarter. Qu’ils aillent danser ailleurs, qu’ils prennent une chambre. De toute façon, combien de ces filles atteindront une quelconque chambre ? Leur culotte sera perdue dans l’ascenseur, et leur jupe remontée sur le parking. Elles n’iront pas bien loin, et une fois la besogne faîtes, ces rustres les abandonneront à leur triste sort. Finalement, elle est chanceuse, la brune. Je ne suis pas si brusque. Le cri de la blonde me réjouit. Une personne de plus qui n’est pas ravie de mon existence. Tu n’avais qu’à pas être refaite et laide, et c’est peut être toi qui se serait vu offert le verre que je temps à la jeune brune. Ses yeux s’élargissent doucement, les pupilles dilatées par son interrogation. Droite, gauche, sa petite tête toute mignonne s’agite. Oui ma belle, c’est à toi que je m’adresse. Voyons, comment peux-tu en douter. Son silence résonne, je ne la quitte pas du regard. Le bleu de mes yeux se perdant dans le bleu des siens. Vous ai-je déjà dit que la patience n’était pas mon fort ? Je vais finir par attraper une crampe à la main si tu ne prends pas ce verre, et ça risquerait de fortement contrarier ces ébats auxquels nous nous livrerons plus tard dans la soirée. Ce qui serait fortement regrettable. « C’est un pari ? Un défi stupide entre étudiants stupides ? » Je fronce les sourcils. Viendrait-elle de me traiter de stupide ? Petite effrontée. Si tu n’étais pas si exquise, ce verre aurait fini sur ta jolie tenue, et celui que j’ai dans l’autre main dans tes cheveux.

« Rentre tes griffes tigresses…. »

Je lui souris, plus amusée par son comportement qu’autre chose à vrai dire. Il y a quelque chose de mignon dans la réaction première de ces jeunes et jolies hétéro qui se font, pour la première fois, abordée par des personnes du même sexe qu’elle. Le beau sexe. J’aime leurs joues rougissantes, reflet d’une virginité perdue depuis longtemps. J’aime leurs sourcils froncés, leurs réactions excessives. C’est divertissant, et mignon, parfois.

« Ce n’est qu’un simple verre… »

Qu’elle s’empresse de m’arracher des mains. Si elle montre autant d’entrain à m’arracher mes vêtements, je ne peux que rêver de ce qu’elle doit donner une fois sa peau de pêche nue contre ses draps en coton. Elle observe le verre, comme si elle avait peur qu’il soit contaminé. Chérie, rassure toi : je n’y ai glissé aucune drogue, ce n’est pas mon genre. Et puis, surtout, je n’ai pas besoin de ça. Qui plus est, je n’ai pas craché dedans non plus. Je n’aurais pas ce regard charmeur si mon but était de t’empoisonner. Crois-moi, ô délicate créature. « Qu’est-ce que c’est ? » Je hausse les épaules. Qu’est-ce que j’en sais moi ? Son regard scrute la foule. Attend-elle quelqu’un ? C’est bien possible, après tout. Quoique, elle aurait peut-être commencé par me renseigner à ce sujet. Je me retourne, scrutant la foule à mon tour. Non pas à la recherche de ce quelqu’un imaginaire, mais à la recherche de cette blonde si insignifiante. Elle me regarde, elle aussi, me jetant un regard mauvais. Je lui souris. Ses narines s’écartent, elle me jette un regard mauvais humide par les larmes qui y perlent. Bouhouh, elle est vilaine !

« Je parierai sur une vodka tonic. » dis-je dans un souffle, alors que j’observe la blonde.

On peut en apprendre beaucoup sur les gens, rien qu’en les observant. Je vous jure : c’est incroyable. Je me tourne à nouveau vers la brune –personnage beaucoup plus intéressant, et principale et unique raison de ma présence dans cette partie de la pièce, et lui sourit.

« Mais je crois qu’il va falloir que tu goûtes pour juger par toi-même. »

Mon sourire s’ élargit. Son regard scrute, à nouveau, les gens derrière moi. Je hausse un sourcil, réfléchit une seconde.

« Tu es accompagnée peut-être, à regarder sans cesse derrière ? Car si tu cherches ces « stupides étudiants » qui m’auraient lancé ce « stupide défi », tu peux te stopper de suite. » Je porte mon propre verre à mes lèvres, avalant une gorgée. « Je n’ai pas pour habitude de fréquenter des idiots. Et je suis aussi seule que tu ne l’es. »

Enfin, du moins, je l’étais, jusqu’à présent. Tel n’est plus le cas désormais, pas vrai ? Je transfert mon poids de ma jambe droite vers la gauche, croise le bras qui tenait le verre que j’ai tendu à la jeune femme sous mes seins, et fais doucement tourner mon propre gobelet entre mes doigts fins. Bois, bois mon enfant, ce n’est pas empoisonné.

« Moi c’est Cleo. » dis-je, tendant la main vers elle.

« Rentre tes griffes tigresse…. » Le regard de Dan s'assombrit bien plus, la toisant avec férocité. N'appréciant guère ce genre de langage et d'approche, Dan n'était pas prête de s'adoucir. Et à vrai dire, elle aurait été un homme qu'elle aurait subit le même traitement. Sauf que là c'était peut-être un peu plus agressif encore, voyant dans ses avances une simple moquerie d'étudiants. Et Dan n'était pas le genre de fille réputée pour son humour et son côté "détente". Elle prenait tout trop au sérieux et grognait pour un rien. Voir pour rien du tout même. Elle resta donc perchée face à la rousse, attendant une réponse sincère avant de la contourner pour filer d'ici en vitesse, de plus en plus agacée par cette population irritante et ennuyante qui plus est. « Ce n’est qu’un simple verre… » Réponse refusée. Dan croisa ses bras sous sa poitrine, continuant de la fixer sans ciller afin de bien démontrer de son mécontentement. En même temps, sa colère émanait d'elle naturellement et se voyait à des kilomètres à la ronde, alors elle n'avait pas vraiment besoin d'en rajouter pour faire passer le message. Mais sa gorge asséchée fit des siennes, la poussant à s'intéresser au liquide que contenait le verre qu'elle lui tendait. Après tout, il était gratuit, alors pourquoi ne pas le boire d'une traite avant de quitter ce lieu maudit. Une fois le verre arraché de ses mains, Dan la questionna sur son contenu, désireuse de savoir ce qu'elle s'apprêtait à descendre. La première réponse obtenue fut un haussement d'épaule. Dan fronça les sourcils, méfiante. Elle ne savait même pas ce qu'elle lui offrait ? Qu'est-ce que c'était que cette mauvaise farce ? Revenant sur son idée d'un paris idiot, elle se remit à chercher une bande d'excités les fixant en riant parmi la foule. Mais rien. Son attention se reposa alors sur l'inconnue qui semblait scruter une personne à quelques mètres de là. Dan se pencha un peu sur le côté, cherchant à suivre la trajectoire de son regard. Une blonde, insipide, de mauvaise humeur. Il arqua un sourcil, pas certaine de comprendre la situation. Et ça, ça l'énervait. Finalement, la rousse reposait son regard sur elle. « Je parierai sur une vodka tonic. » Bien décidée à obtenir une réponse plus précise, Dan demanda sèchement : « Ce verre, il sort d'où ? » A vrai dire, elle se fichait bien qu'elle l'ait arraché à quelqu'un ou non, Dan n'était pas vraiment une fille pleine de principes. Elle voulait juste savoir, une simple histoire de satisfaction personnelle. « Mais je crois qu’il va falloir que tu goûtes pour juger par toi-même. » Finalement, après un dernier regard noir, elle porta l'objet à ses lèvres et goûta à une gorgée. Elle prit le temps de savourer, réfléchit un peu et déclara : « Je confirme. Bien que trop peu de vodka. » Typiquement le genre de truc qui la mettait en boule. Venir à une soirée étudiante, prendre un cocktail alcoolisé et demander peu d'alcool dedans. Quel était le but ? C'était ridicule. Affreusement ridicule même. « Tu es accompagnée peut-être, à regarder sans cesse derrière ? Car si tu cherches ces « stupides étudiants » qui m’auraient lancé ce « stupide défi », tu peux te stopper de suite. » Dan pinça les lèvres, contrariée et plissa les yeux avant de répondre de façon toujours aussi agressive : « Je m'arrêterais quand j'aurais décidé que tu ne fais pas partie d'un groupe de demeurés. Et pour le moment, je n 'ai rien décidé. » L'avantage avec Daniella, c'est qu'on savait toujours où on s'aventurait avec elle. Franche, elle posait très clairement les choses, n'ayant généralement honte de rien. Ou du moins, pas d'elle, de ses pensées, de ses attitudes et j'en passe. « Je n’ai pas pour habitude de fréquenter des idiots. Et je suis aussi seule que tu ne l’es. » Ça, c'était elle qui le disait. Dan ne la connaissait absolument pas et ne se souvenait même pas l'avoir déjà croisé à l'université. Donc, ne sachant rien de ses fréquentations, la brune partait du principe qu'elle pouvait très bien fréquenter des idiots. Sachant que 98% des étudiants l'étaient, il y avait de fortes chances pour. Dans toute sa splendeur, Dan demeurait silencieuse, pas vraiment adepte des discussions interminables. Elle reprit une autre gorgée, plus importante cette fois-ci, prête à s'en aller. « Moi c’est Cleo. » Ça lui faisait une belle jambe tiens. Dan toisa la main qu'elle lui tendit, ne prenant pas la peine de la lui serrer. Elle releva les prunelles jusqu'aux siennes, toujours aussi froide et distante. Et la réponse fut on ne peut plus claire : « Et moi c'est Je-ne-suis-pas-intéressée. » Un grand sourire hypocrite vint étirer ses lèvres maquillées. Elle avait saisit là ou devait-elle lui faire un dessin ?

Ouh ! Regard de tueuse. Je sens l’amusement grandir, en moi. Cette jeune créature me « fascine » de plus en plus. Ou tout du moins, me plait de plus en plus. Ses yeux lancent des éclairs, et je la sens prête à me rembarrer avec rage. Ce qui a le don de me plaire. Un peu de jeu, ça ne fait de mal à personne. De toute façon, nous savons tous comment ça finira. N’est-ce pas…
« Ce verre, il sort d’où ? » Je soupirai. C’est que ces questions allaient finir par me faire penser que la jeune femme était stupide. Je levai les yeux au ciel, me décalant de quelques centimètres sur la gauche, pour que sa vue de la jeune blonde laide comme un pou qui me fusillait du regard en chouinant contre l’épaule de son copain (comment pouvait-il la supporter ?) soit complète, ou suffisante. Pas du tout gênée pour un sous par les regards de haine émanant dans ma direction (haine, admiration, admiration, haine, tout ça, c’était mon lot quotidien, que voulez-vous…), et pas le moins du monde dérangée par cette règle de politesse et de bonne conduite qu’on apprend aux enfants (aka On ne montre pas les gens du doigt), je pointe ladite blonde en train de ruiner mon maquillage non waterproof sur l’épaule dudit copain.

« De là. »

Clair, net, précis. Pourquoi tourner autour du pot quand on peut faire clair ? Mais, quant à ce que contient ce verre, je n’en ai pas la moindre idée, et aucunement l’envie d’aller interroger la blonde. Je suis intelligente, pas suicidaire, et je ne pense pas qu’elle répondrait sourire aux lèvres à ma demande : mon temps est précieux, je l’accorde à cette brune, pas à l’autre tâche. Point, fin de la discussion, rideau. Qu’elle goûte, si elle veut savoir. Mes yeux bleus ne la quittent pas tandis qu’elle trempe ses lèvres dans le breuvage. Grand dieu, que de naïveté et de confiance aveugle. Et si j’avais été un pervers violeur, hum ? Il suffisait d’y glisser un peu de cette drogue propre aux violeurs, et PAF je l’embarquais avec moi. Sauf que pour ma part, je préfère un être vivant et animé dans mon lit, plutôt qu’un, ou une, comateux. Simple question de point de vue. La nécrophilie ne m’attire nullement. « Je confirme. Bien que trop peu de vodka. » Un rire moqueur et cynique secoue ma poitrine un instant. J’arque un sourcil. Qu’est-ce que j’avais dit.

« Si prévisible… »

S’en était presque navrant. Laissez-moi deviner : elle faisait partie de ces greluches qui agitaient des pompom sur le terrain de football en scandant le nom de l’équipe ? C’est vrai que ouhlala, ça en demande du travail d’apprendre à épeler le nom de l’équipe, oh my god quoi ! Bref. Totalement inintéressante, je l’avais vu de suite. Que voulez-vous, ça se sent ce genre de chose. Les lèvres de la jeune femme se pincèrent, alors que je lui disais qu’il était inutile qu’elle continue à regarder autour d’elle (après tout, la chose la plus intéressante de cette pièce se trouvait devant elle, pourquoi diable irait-elle voir ailleurs ?), étant seule, et n’ayant pas pour habitude de fréquenter des imbéciles. Je laisse ça aux idiots. Les gens stupides sont si ennuyeux. « Je m’arrêterais quand j’aurais décidé que tu ne fais pas partite d’un groupe de demeurés. Et pour le moment, je n’ai rien décidé. » Mon sourcil roux se hausse, s’arque, se soulève, tandis que mes yeux bleus sont toujours rivés sur son visage. Eh bien, c’est que la jeune femme non plus n’y va pas par quatre chemins. Mon sourire s’élargit, dévoilant quelques millimètres de mes dents blanches supérieures.

« Tu es bien méfiante pour quelqu’un qui accepte des verres de personnes totalement inconnues… »

Je hausse les sourcils dans sa direction. Tant qu’elle n’en vient pas à me cracher le contenu de son verre à la figure, je peux m’estimer heureuse. Je crois que cette situation commence à me plaire. Un peu plus, et je me frotterai les mains. Je le fais. Mentalement, bien entendu. D’ailleurs, puisque nous en étions à parler d’inconnues… Non non, je vous rassure, nous n’allons pas nous replonger dans les mathématiques. Pas que ce soit une matière déplaisante, voyons, loin de là, n’est-ce pas amusant que de jongler avec les chiffres ? (Bon ou pas…). Disons que ce n’est pas mon sujet de conversation préféré. Je tends la main, souriante, tout en me présentant, lui offrant mon prénom comme on offrirait une rose. Son regard resta fixé sur ma main quelques secondes, l’ignorant royalement, hautainement, avec suffisance. Je haussais les épaules, la laissant retomber près de ma cuisse. Oh, elle n’était ni la première, ni la dernière personne à réagir de la sorte, j’en faisais donc fi. Pour ma part, j’avais généralement le même réflexe. Oh, n’est-ce pas merveilleux, voilà que nous avions des points communs ! Pour un peu, je tomberais amoureuse ! … Crédibilité, HUM. « Et moi c’est Je-ne-suis-pas-intéressée. » Son sourire hypocrite n’eut d’égal que le mien.

« Vraiment ? Pauvre de toi. Tes parents étaient défoncés le jour où ils l’ont choisi ? Enfin, tu l’as encore échappé belle, tu aurais pu t’appeler Facebook, comme ce bébé en Egypte. »

Oui, quand on passe huit mois à l’hôpital, on n’a vraiment, vraiment rien à faire. Surtout quand on nous interdit le téléphone portable, tous les réseaux sociaux, internet, etc. Alors, on fait chier les infirmières et infirmiers du mieux qu’on peut, en leur demandant des trucs impossibles, comme des journaux d’autres pays, traduits en anglais, etc. On fait c’qu’on peut. On suit l’actualité, ce qu’il se passe dans le monde, ce qu’il s’est passé, les faits divers et autres. Bref.
Je viens déposer ma main sur ma joue, ouvrant grands mes yeux bleus, comme émerveillée.

« Mais ça te va à ra-vir ! » dis-je en prenant bien soin de séparer les deux syllabes du mot.

« De là. » Le regard de Dan suivait la direction montrée par le doigt de l'inconnue. Une blonde, tout ce qu'il y avait de plus repoussant et agaçant, en train de chouiner de la façon la plus pathétique qu'il soit donné d'exister. Non ? Elle n'avait pas.. si ? Un sourire énigmatique étira les lèvres épaisses de Dan alors qu'elle échappait un léger rire sarcastique. Il fallait dire qu'elle haïssait tellement le monde entier, que cette vision lui plaisait. Elle ne pouvait donc décemment pas refuser un verre d'une telle provenance. Il y avait bien trop de jouissance à se délecter de ce liquide volé. C'est pourquoi elle s'en empara et le porte à sa bouche sans la moindre hésitation. De la drogue dedans ? Elle en doutait. Le spécimen en face d'elle ne semblait pas du genre à aimer la facilité. Ou du moins, pas ce genre de facilité là. Dan avale sa gorgée, réfléchit et finalement confirme les paroles de la rousse. Boisson de pimbêche, "pompette" au bout d'une gorgée. Mon dieu, il y avait de ces gens sur terre. « Si prévisible… » Dan haussa les épaules, toujours aussi peu avenante. Faire la conversation à cet inconnue ne l'intéressait toujours pas. Seul ce verre avait droit à toute son attention pour le moment. Après, elle s'en irait. Et son interlocutrice pouvait bien lui répéter qu'elle ne fréquentait pas de bandes d'étudiants stupides, Daniella lui expliqua sa vision des choses à elle. C'était elle et seulement elle qui décidait de ça. Les préjugés et les jugements hâtifs, c'était son lot quotidien. Elle mettait les gens dans des boites, leur collait une étiquette grossière et ne leur donnait plus la moindre chance de lui prouver le contraire. Pour le moment, l'inconnue n'était pas encore dans une boite. Mais ça ne saurait tarder. « Tu es bien méfiante pour quelqu’un qui accepte des verres de personnes totalement inconnues… » L'impétueuse brune agita son index de gauche à droite avant de rectifier ses paroles : « Ce n'est pas de la méfiance. Je réfléchis juste pour le moment à quel genre de personne tu correspondras dans ma tête. Je n'ai pas encore choisit. » Elle reprit une autre gorgée de la boisson, une deuxième, une troisième. « Pour ce qui est du verre.. Ma soif était incontrôlable. » Elle haussa à nouveau les épaules, comme si ça n'avait pas d'importance. Qu'elle la drogue, qu'elle la viole. Dan reviendrait la torturer ensuite. Les dures lois de la vie, que voulez-vous. S'en suit le prénom de l'inconnue et sa main tendue vers Dan. Royalement ignorée. Dan ne serre pas la main. Dan n'aime pas les contacts physiques inutiles. Dan n'aime pas les gens. Son regard remonte jusque dans les prunelles de la, donc, dénommée Cléo alors que sa présentation à elle, est tout autre. Boire dans un verre suspect, oui. Donner son prénom, non. Si c'était pour l'entendre encore et encore dans une bouche indésirable, non merci ! Elle y tenait à ce prénom. « Vraiment ? Pauvre de toi. Tes parents étaient défoncés le jour où ils l’ont choisi ? Enfin, tu l’as encore échappé belle, tu aurais pu t’appeler Facebook, comme ce bébé en Egypte. » Dan échappa un léger ricanement avant de déclarer : « Ta culture générale n'a d'égal que ta façon de draguer. » Autrement dit : nulle. Dan roula des yeux dans un petit soupire condescendant. Et dire qu'elle l'avait presque trouvée pas mal sur le coup d'avoir volé le verre à l'autre. Devait-elle finalement la mettre dans la boite "grosse chaudasse qui couche avec des filles pour faire cool et qui se cultive grâce aux pages FB" ? Telle était la question. Allez savoir, Dan voulait bien lui offrir une petite dernière chance d'échapper à ça et de lui prouver qu'elle valait mieux. Une seule petite chance néanmoins. Après, il serait trop tard. « Mais ça te va à ra-vir ! » Hmmm. Voilà qui est mieux déjà. Du foutage de gueule. Elle aime bien ça Dan. Ses yeux se plissent alors qu'elle l'observe avec insistance, s'interrogeant sur le sort final qu'elle pouvait bien lui réserver. Finalement, elle prend une énième gorgée, finissant presque le verre avant de reprendre la parole. « Bon, comment c'est censé se passer maintenant ? On se fait la guerre, ça t'excite, ma haine envers toi est en fait un mensonge pour camoufler ma folle attirance, on s'échappe, on crie toute la nuit comme des bêtes sauvages redécouvrant les plaisirs charnels, tu t'évades au petit matin, moi je tombe folle amoureuse de toi et je souffre terriblement de cette bisexualité soudaine. » Dan ne peut pas s'empêcher de rire face à ce scénario pathétique. C'était malheureusement quelque chose que l'on voyait bien trop souvent. Retrouvant son calme, elle remit finalement les choses à leur place. « Non. Ce qu'il va se passer c'est qu'une fois ce verre terminé, je saurais qui j'ai envie que tu sois et je m'en irais, je dormirais chez moi, t'oublierais et continuerais ma vie comme si tu n'avais jamais existé. » Dan croisa ses bras, l'observa de haut en bas et demanda finalement, histoire de pouvoir l'analyser un peu plus en profondeur : « Une suggestion, peut-être ? » Elle serait presque impatiente de l'entendre. C'est qu'elle avait très envie de rire une dernière fois avant de rentrer chez elle.

Maupassant, dans son immense sagesse, écrivit un jour qu’un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé. Eh bien, n’en déplaise à cet auteur mort et enterré depuis des années, je transformerai bien cette belle phrase en remplaçant le baiser par une vodka tonic. Et, vu le sourire que la jeune femme aux beaux yeux et à l’attitude des plus plaisantes affichait, j’avais raison. Encore, toujours. Ah, c’est que ça en deviendrait presque lassant, à vrai dire. Pauvre de moi, condamnée à avoir toujours raison, à être trop géniale, trop intelligente… Quoique, non, justement, cette vérité pourtant absolu semblait échapper à la jolie brune. Méfiante, sur ses gardes. Etonnant, quand on savait qu’elle avait accepté le verre sans un mot. « Ce n’est pas de la méfiance. Je réfléchis juste pour le moment à quel genre de personne tu correspondras dans ma tête. Je n’ai pas encore choisit. » Mes lèvres se meuvent en un sourire amusé aux teintes charmeuses. Ah oui ? Elle est donc ce genre de personnes, un brin étrange, qui catégorise les gens sans leur laisser la moindre chance, abattant son jugement impartial. J’adore ça. Juger les gens, les ranger dans des boîtes, les marquer au fer rouge tels les voleurs, les prostituées et leurs maquerelles dans la France du Moyen-Âge. Hobby plaisant, j’approuve, j’adhère. Elle, je sais déjà où la classer. Outre le fait qu’elle soit dans la catégorie de ces jeunes personnes attirantes à souhait. J’en souris. Je sens que je vais m’amuser à vrai dire avec elle. « Pour ce qui est du verre… Ma soif était incontrôlable. » Ses épaules se haussent, je suis le mouvement, avant de reporter mon attention sur son visage.

« Tout le plaisir était pour moi. Epancher la soif des jeunes femmes, voilà un noble destin : mon but premier, dans la vie. »

Mensonge, mais on s’en fout, c’est de la drague. Qui a déjà dragué en disant la vérité, han ? « Bonjour, je te trouve pas trop moche, bon, je préfère ta copine mais sachant que je ne suis moi-même pas super beau, j’me suis dit que valait mieux que je ne cherche pas trop inaccessible histoire de ne pas rentrer bredouille… Dans la vie j’adore mater du porno, et sinon, je fais un boulot de merde. Je vais voir ma mère tous les dimanches, qui ne peut plus s’occuper d’elle-même depuis sa maladie. J’y vais le dimanche parce que l’infirmière ne bosse pas ce jour là, donc c’est moi qui m’occupe de la faire manger, de la laver, de la nettoyer après qu’elle soit passée aux toilettes. Je n’ai pas touché les seins d’une fille depuis trois ans. Tu veux venir dans ma Twingo qui ne roule plus que par la grâce de Dieu ? » Bon, sauf que bien sûr, moi la vérité, ce serait beaucoup plus glamour… La fausse vérité, hein, bien sûr ! Mais bref, l’idée est là. Tel n’est pas du tout mon but premier dans la vie, et je le vis à merveille.
Mon nom, le sien. Si original. Les souvenirs d’une après-midi à l’hôpital où Gideon n’était pas venu me reviennent en mémoire. Je zappais, inlassablement, et mon oreille avait capté cette information entre deux répliques d’Homer Simpson. Bébé, facebook, Egypte. Pauvre gosse. « Ta culture générale n’a d’égal que ta façon de draguer. » Je lève les yeux au ciel, fortement amusée par cette petite pique lancée.

« Que veux-tu, je tente de m’adapter. »

Insulter en deçà son intelligence potentielle n’est sans doute pas l’idée la plus lumineuse de la soirée, mais je n’ai pas pour habitude de me laisser insulter, quand bien même la jeune femme pourrait être la plus grosse chaudasse de l’univers, la déesse du sexe incarné, qui me ferait des trucs dont même moi, pourtant grande connaisseuse du haut de mes dix-huit ans (on remercie Washington et sa jeunesse), je n’avais jamais soupçonné même l’existence. Et histoire d’en rajouter une couche, mon ironie habituelle reprit le dessus, alors que je lui stipulais que son prénom était charmant. Je note le plissement des paupières. Bien. Bien. « Bon, comment c’est censé se passer maintenant ? On se fait la guerre, ça t’excite » Han han, rectification ma jolie : tu m’excites déjà, et je trouve ça mieux de faire la guerre une fois les vêtements en tas au pied de ton lit. « ma haine envers toi est en fait un mensonge pour camoufler ma folle attirance, on s’échappe, on crie toute la nuit comme des bêtes sauvages redécouvrant les plaisirs charnels, tu t’évades au petit matin, moi je tombe folle amoureuse de toi et je souffre terriblement de cette bisexualité soudaine. » Je souris, franchement amusée cette fois par le drôle de numéro que j’ai sous les yeux. Décidément, elle me plait de plus en plus cette tigresse à la langue aussi acérée que ses griffes !

« Petit bémol : je ne m’enfuie pas au petit matin, je ne reste jamais. »

Dormir avec elle ? Non, pitié ! Elle aurait pu être Scarlett Johansson ou Amber Heard en personne que ça n’aurait rien changé au fait qu’une fois son corps encore frissonnant de ces instants de bonheur charnel partagés allongé sur le lit, et ma respiration et mes esprits repris, la première chose que je ferai, ce ne sera pas de déposer un baiser sur sa joue, ou de poser ma tête sur l’oreiller, mais bien de récupérer mes sous-vêtements. « Non. Ce qu’il va se passer c’est qu’une fois ce verre terminé, je saurais qui j’ai envie que tu sois et je m’en irais, je dormirais chez moi, t’oublierais et continuerais ma vie comme si tu n’avais jamais existé. » En parlant de verre terminé, je constate que le sien l’est presque. Ses bras délicats se croisent, et elle me toise. « Une suggestion, peut-être ? » J’arque un sourcil.

« Un autre verre ? » Je souris, et me tourne. « Si un… cocktail te tente… »

Choisi quelqu’un dans cette pièce, j’irai le lui arracher des mains, rien que pour tes beaux yeux, tel le chasseur arrachant le cœur de cette pauvre, pauvre Blanche Neige. Sauf que je ne suis pas une mauviette, et que je n’irai sans doute pas remplacer le cœur de cette pleurnicheuse par celui d’une biche.

« Un simple moyen de gagner du temps, à vrai dire. Je ne voudrais pas que tu te fasses une … mauvaise… opinion de moi, qui fermerait la porte à toute opportunité. Tu ne sembles pourtant pas être de ces idiotes sans cervelles aux idées étriquées… L’ouverture d’esprit… Outre que de cuisse. Tu en as entendu parler ? Repousser ses limites… Goûter à de nouvelles choses… » Je me penche légèrement en avant. Souris. « On dit qu’il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis. »

Et elle n’est pas idiote, hein ? Elle ne semble pas l’être, en effet, il y a comme une lueur d’intelligence qui brille derrière ses yeux accusateurs.

« Tout le plaisir était pour moi. Epancher la soif des jeunes femmes, voilà un noble destin : mon but premier, dans la vie. » Bah tiens. Dan la toisa en silence, amusée et désespérée à la fois. Cette fille semblait utiliser les mêmes techniques de dragues que ces garçons trop lourds que toutes les filles redoutent. En avait-elle conscience ? Le faisait-elle exprès justement ? Dan s'interrogeait. Mauvaise signe, c'était un point pour son adversaire. Le moindre intérêt pour elle serait une bataille de perdue pour Dan. L'indifférence, voilà la route vers la victoire. Une route bien difficile face à cet énergumène. Non, elle n'était pas... intéressante, ou fascinante. Juste.. elle. Un ensemble curieux qui semblait se délecter de la mauvaise humeur de Dan. Une chose peu courante sachant qu'elle avait plutôt tendance à décourager et faire fuir les gens. Voilà pourquoi elle pensait tellement que c'était un stupide pari. Vous savez : "si tu tiens 20 minutes avec elle, j'te file 50 billets !" P-a-t-h-é-t-i-q-u-e, ni plus, ni moins. Cependant, elle avait beau observer la salle, elle en voyait personne qui semblait captivé par leur petit tête à tête. Alors quoi ? Qu'est-ce qu'elle voulait ? C'était vraiment sa façon de faire ? Et ça marchait d'ordinaire ? Peut-être après avoir donné une dizaine de verres à sa proie. Malhonnête avec ça ? « Que veux-tu, je tente de m’adapter. » Hmm ? Dan plissa les yeux, n'appréciant guère ce genre de remarques. Mais décidant de jouer le jeu, elle reprit un air détaché et blasé avant de commenter : « Tu perds des points. » Elle marqua une pause, prit une légère inspiration, se redressa et poursuivit : « Et étant donné que tu étais à zéro, tu te retrouves avec un score négatif. » Elle fit la moue, secoua la tête en signe de désespoir et déclara finalement : « C'est mal partit pour toi. » Et de toute façon, même si ça "partait" ça n'aboutirait jamais à rien. Franchement, goûter aux lèvres d'une autre femme : non merci. Déjà qu'elle était extrêmement difficile avec la gente masculine.. Il ne fallait pas trop lui en demander non plus ! Please. Mais bon, accélérons les choses, Dan n'aimait pas tourner autour du pot et perdre du temps. Elle lui exposa alors un premier scénario possible -ou pas. « Petit bémol : je ne m’enfuie pas au petit matin, je ne reste jamais. » Dan hocha la tête brièvement, comme pour dire qu'elle avait bien noté l'information. Mais elle l'oubliait en vérité déjà. De toute façon, savoir ça ne lui servirait à rien puisque... elle ne ferait rien avec elle. C'est pourquoi elle lui expose la seconde option, c'est-à-dire la bonne, la vraie. Des suggestions ? Oui. « Un autre verre ? Si un… cocktail te tente… » D'accord, elle était coriace. Bien qu'elle restait parfaitement neutre, Dan était surprise. Elle semblait pourtant avoir été clair et les filles en manque de sexe ne manquait pas ce soir. Pourquoi continuer sur son pauvre cas de fille grincheuse ? Encore une de ces personnes qui ne prenait son pied que dans les défis, sans aucun doute. Soit. Dan termina son verre d'une traite, songeuse. « Un simple moyen de gagner du temps, à vrai dire. Je ne voudrais pas que tu te fasses une … mauvaise… opinion de moi, qui fermerait la porte à toute opportunité. Tu ne sembles pourtant pas être de ces idiotes sans cervelles aux idées étriquées… L’ouverture d’esprit… Outre que de cuisse. Tu en as entendu parler ? Repousser ses limites… Goûter à de nouvelles choses… On dit qu’il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis. » Dan se recula aussitôt afin de rétablir la distance de départ. En tout cas, son franc parler ne lui avait pas échappé. C'était toujours mieux qu'une demeurée sans cervelle qui pensait aimer les filles juste parce que la mode indiquait que ça faisait cool. Non, ça faisait juste grosse chaudasse en mal de sensations. M'enfin, question de perception sans doute. Dan retrouva son sourire condescendant, reprenant la parole : « Pour ta gouverne, la porte qui mènerait à toute opportunité est déjà fermée. Mes cuisses resteront sagement à leur place ce soir et tous les autres soirs -et journées- aussi. Je n'éprouve pas le besoin de goûter à une quelconque nouveauté et je me contenterais d'être une idiote alors. » Ça ne lui posait guère de problème à vrai dire. « Cependant... » Dit-elle d'une voix songeuse. Son index vint tapoter ses lèvres alors qu'elle réfléchissait, son regard parcourant la salle avec intérêt. Son index se dressa subitement et pointa une personne dans la salle avec détermination : « Lui. » Lui. Un espèce de pauvre crétin, délaissé par mère nature qui avait pensé trouver à la fac une seconde vie. Caché derrière son acné et sa chemise trop grande, il dansait comme un pied, timide, coincé, le regard agité. Il bavait comme un enfant de 13 ans devant un magasine de femmes. Ridicule. La proie idéale. Enfoncer ceux qui étaient déjà bien bas : c'était si bon. Un sourire satisfait et quelque peu machiavélique étira ses lèvres charnues. « Ouais, lui, je le sens bien. » Elle le sentait même super bien ! Son regard se reposa sur Cleo, presque impatiente de la voir à l’œuvre. Fait donc petite, fait ! Montre lui toute l'étendue de tes capacités, qu'elle ne se trompe pas de case.

« Tu perds des points. » J’arquai un sourcil, amusée. A tiens ? J’en perdais ? Ca voulait dire qu’elle m’en donnait quand même… Intéressant, intéressant. J’avais au moins réussi mon coup : la captiver. L’intéresser. Elle se serait contentée de tourner les talons, si tel n’avait pas été le cas. Les points, c’est si facile à gagner, et à perdre. Une futilité. Comme l’argent. Hop, un jour au sommet, le lendemain au bas de l’échelle, on renfloue les caisses comme on ouvre un robinet. « Et étant donné que tu étais à zéro, tu te retrouves avec un score négatif. » Graou, mais quelle tigresse ! Ne mâchant pas ses mots, cynique et mauvaise à souhait (ou juste de mauvaise humeur, mais c’est pas grave, j’aime les grognons !)… A croire que j’avais ferré le bon poisson. « C’est mal parti pour toi. » Amusée, un sourire témoignant de cet état d’esprit se dessina sur mes lèvres.

« Un score négatif vaut mieux que pas de score du tout, pas vrai ? »

J’avais raison, elle le savait, ne pouvait le nié. Echec et mat ma jolie ! Tu ne le sais pas encore mais, un jour ou l’autre, on finira dans ton lit, ma jolie. Ou le mien, si l’envie me prend de te faire pénétrer dans mon antre. Pour tes beaux yeux, je pourrai faire ce petit sacrifice va ! Rien que pour voir ce qu’elle valait au lit, j’étais prête à rentrer bredouille ce soir, me contenter de l’idée qu’un jour ou l’autre, elle cèderai. C’était à vrai dire… Bien plus amusant. Je m’amusais, oh oui, comme une folle. Cette soirée s’avérait être bien plus divertissante que je n’aurais pu le penser, et je n’étais pas mécontente d’y être venue, finalement. Ça valait même l’insulte de ce mexicain puant les tacos de chauffeur de taxi ! Je passai rapidement ma langue sur les lèvres, pour les humidifier, alors que je lui exposais la vérité, simple, et nue (d’ailleurs, ça, c’était quand elle voulait) : un verre, un cocktail, arraché des mains de n’importe qui. Pour gagner du temps, de précieuses secondes dans la salle du trésor. Je me sentais comme dans Fort Boyard. L’agitation pour trouver le mot de passe à l’aide des indices. Le sacrifice (la blonde) pour en avoir un nouveau… L’attende de Felindra, tête de tigre, et l’euphorie des pièces d’or qui tombent. Pour le moment, j’attendais. Les pièces d’or ne tombaient pas. « Pour ta gouverne, la porte qui mènerait à toute opportunité est déjà fermée. » Alors pourquoi venir me parler de points ? Pourquoi me titiller avec mon score négatif ? En voilà une qui aimait se faire désirer, volà tout. Qu’elle ne s’attende tout de même pas à ce que je vienne chanter la sérénade sous son balcon. Je préférais encore lui réciter quelques extraits des Fleurs du Mal ou de Alcool, sous les couvertures, nos deux corps entrelacés, murmurant à son oreille, langoureusement. Voilà qui, oui, était déjà plus plaisant. « Mes cuisses resteront sagement à leur place ce soir… » Je saurais vivre avec. « … et tous les autres soirs » Ne fais pas de promesses que tu ne pourras pas tenir… « –et journées –aussi. » Mince, voilà qu’elle avait trouvé la faille dans le système ! Et que pense-tu du crépuscule, ma jolie ? Ni soir, ni journée, juste l’entre deux. Bien assez pour te combler. « Je n’éprouve pas le besoin de goûter à une quelconque nouveauté et je me contenterais d’être une idiote alors. » Je souris, encore une fois, de plus en plus amusée, retenant même un rire euphorique.

« Ce serait là le moment que toute autre personne choisirai pour te dire que tu es so old school, mais à vrai dire, ce serait une erreur… Oubliant que les Grecs de l’Antiquités étaient les premiers à s’adonner à ces plaisirs de la chair fraternels. »

Une bande d’idiot ne connaissant rien à la vie, ou à la culture générale. Je sens ma gorge s’assécher, et éprouve soudain une sensation de… soif. J’ai soif. « Cependant… » Rectification, j’avais soif. J’ai totalement oublié, je ne suis plus pendue qu’à ses lèvres, suspendu, en attente. Les pièces d’or, les pièces d’or. J’en retiendrais presque mon souffle. Cesse de me faire languir, va, je ne connais même pas ton nom ma douce amie ! « Lui. » Je tourne la tête, vers ledit lui. Réprime une grimace de dégoût, et puis, la laisse clairement s’afficher. Le parfait loser. J’ai presque envie de lui chanter You’re a loser baby so why don’t I kill ya ? « Ouais, lui, je le sens bien. » J’arquais un sourcil, et puis, haussa les épaules. Vos désirs sont des ordres, Milady.

« Ce que femme veut… » (spéciale dédicace Age de Glace, ahah !)

Je fis volteface, fendant la foule. Bousculant une pimbêche sur talon haut, me saisissant du verre d’un autre. Un cri, deux cris, une insulte (douce mélodie à mes oreilles) : c’est qu’il allait m’en falloir, de la tequilla, pour attaquer ledit morceau. Je viens me planter face à l’idiot de service, dansant comme dans un clip des années 80.

« Salut… »

Sourire charmeur, yeux de chats, voilà le mécanisme enclenché. Je m’approche doucement, et il semble se liquéfier sur place. Quoi ? Il a vu des ailes tordues et une queue fourchue, des cornes au-dessus de ma tête ? Ou c’est juste que c’est la première fois qu’une femme s’approche de lui. Je saisis sa main (répugnant), la pose sur ma hanche (ma robe est F.I.C.H.U.E !), et m’approche de lui, sensuelle, réprimant mon envie de vomir. Mes lèvres s’approchent de son oreille, et j’y murmure durant de longues secondes, avant de lancer un battement de cil, en direction de la belle et fougueuse inconnue, à l’autre bout. Je termine par un petit rire, il glousse, ne se rendant pas compte à quel point il est ridicule. Se saisit de deux verres, claquant un pauvre billet de vingt, et traverse la foule, s’excusant à tout va, avant d’aller se planter devant L’Inconnue. « Sa… Salut ! Tiens c’est… pour toi… » Féline, j’approche par derrière. Darling, tu l’as voulu, non ? … Je me répète peut être mais… Ce que femme veut…

« Un score négatif vaut mieux que pas de score du tout, pas vrai ? » Dan haussa mollement les épaules, comme désintéressée de ce qu'elle racontait. Il ne faudrait pas que la petite rouquine se mette à croire qu'elle l'intéressait et qu'elle avait gagné d'avance son coup. Elle articula tranquillement, d'une voix lointaine : « Une façon de voir les choses ouais. » Il n'y avait pas de quoi être heureuse d'avoir un score négatif. Surtout que Dan ne voyait pas trop comment elle pourrait réussir à remonter. Ah si peut-être... peut-être que si elle partait elle lui donnerait une sacré tonne de points ! Promis juré ! Après ça, Dan lui expliqua un peu plus les choses sur ce qui la concernait. Elle n'était pas intéressée, elle ne le serait jamais. Son truc, c'était les hommes ! Et encore, même là elle s'avérait être un véritable casse-tête. Cette fille était presque.. impossible à satisfaire. Restait à savoir pourquoi. Elle trouvait toujours quelque chose qui lui déplaisait chez les autres, pas de sa faute à elle ! Elle était loin de ces filles qui cherchent le prince charmant idéal, parfait sous toutes les coutures. Mais voilà, rien ne lui allait jamais. Et toutes ces relations c'étaient vite terminées, Dan passant sa journée à balancer mille et une critique. Et ça encore, c'était sans parler de sa super bonne humeur quotidienne ! (merci de retenir ici l'ironie de la phrase). Mais la dénommée Cleo gardait le sourire, imperturbable. Au contraire même, plus Dan semblait se fermer à elle, plus ça semblait lui plaire et l'amuser. Et bien elle jouerait toute seule alors. Parce que pour Dan, les choses étaient très claires. Limpides même. « Ce serait là le moment que toute autre personne choisirai pour te dire que tu es so old school, mais à vrai dire, ce serait une erreur… Oubliant que les Grecs de l’Antiquités étaient les premiers à s’adonner à ces plaisirs de la chair fraternels. » Et bien voilà, niveau culture c'était déjà plus intéressant ça. Mais Dan ne fit aucun commentaire là-dessus. L'autre pouvait toujours rêver pour que Dan ne la complimente ou félicite sur quoi que ce soit. Dan ne félicitait qu'elle. Point barre. Elle se contenta de rester immobile, attendant la suite. Cependant, elle n'était pas contre se "servir" d'elle encore quelques instants, pour se distraire et boire un dernier verre. C'est pourquoi, après sa proposition elle choisit sa victime pour la soirée. Piquer le verre d'une grognasse ou d'un grand balèze sportif n'aurait aucun intérêt. Alors qu'enfoncer encore plus un raté était totalement jouissif. « Ce que femme veut… » Bien. Très bien. Dan ne la lâchait pas du regard, la regardant opérer. Oh ! Elle avait même le droit à un petit bonus, un premier verre venait d'être arraché à l'improviste. Elle se délecta de la colère de la personne volée, ricanant doucement. Merde, voilà qu'elle gagnait des points. Mais elle n'en saurait rien. Dan grimaça et détourna la tête écœurée face à ce spectacle. La simple idée d'être à sa place lui donnait la nausée. Plutôt mourir ! Franchement. C'était presque insupportable à regarder. Mais elle se raidit lorsqu'elle vit Cleo la pointer discrètement d'un signe de tête. Huh ? Ça voulait dire quoi ça. Dan retrouve aussitôt son air fâché -son air naturel quoi. Elle rêve -cauchemarde plutôt- ou l'horrible erreur de la nature s'approche d'elle ? Mon dieu, quelle honte. Dan restait sur ses gardes, agressive. Oui, c'était bien elle qu'il venait voir. Il se planta devant elle et lui tendit un des verres. Bafouillant de façon ridicule à mourir : « Sa… Salut ! Tiens c’est… pour toi… » AHHH MON DIEU ! Un sceau, une bassine ! Quelque chose, vite ! Elle sentit quelqu'un s'approcher dans son dos. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. La responsable de cette CALAMITÉ était là, juste derrière. Ça n'allait pas se passer comme ça. Elle attrapa le verre tendu en déclarant : « Moi aussi, j'ai un truc pour toi. » SPLASH. Et voilà, le contenu du verre venait de lui être jeté au visage. Il écarquilla les yeux et entrouvrit la bouche, stupéfait. Bon sang, il était encore plus laid comme ça. Elle tendit la main pour attraper le second verre. « Donne moi ça. » Elle se retourna. SPLASH BIS. Et voilà, la rouquine était inondée à son tour. Dan lui lança un grand sourire hypocrite. « Merci beaucoup pour cet agréable moment. » Elle posa le verre sur le comptoir, attrapant au passage une serviette et la lui tendit. Mais elle la lâcha devant ses yeux, la laissant virevolter jusqu'au sol. Elle vint poser sa main sur ses lèvres. « Oups ! » Elle eut un petit rire et se retourna, prête à s'en aller. Mais après quelques pas, elle se retourna et déclara : « Ah ! Au fait, moi.. C'est Daniella. » Il ne fallait pas non plus oublier ses bonnes manières.

« Une façon de voir les choses ouais. » Je ne cillais pas, me contentant de sourire doucement. Cette jeune femme était…un casse-tête. Une épreuve, une énigme ! Presque une cible inatteignable. C’était sans doute ça, qui me motivait, comme j’avais été motivée par David Connor à quinze ans, qui avait toujours clamé haut et fort qu’il attendrait le mariage avant de faire quoique ce soit. Comme j’avais été motivée par Ambroisie Leclair, la jolie correspondante française d’une de mes camarades de classe, éperdument amoureuse de son Frenchie de boyfriend. J’aimais les cibles inatteignable, parce que justement, j’aimais les atteindre. A ma façon, peu importait le temps que ça prenait : je jouais : ça m’occupait, ça passait le temps. Et la jeune femme semblait la partenaire idéale pour jouer, justement parce qu’elle ne voulait pas. Quand les deux jouent, on sait tous que ça va finir sous la couette dans la semaine : ces jeux ne m’intéressaient pas. Je préférais la voix sensuelle de la jeune femme et ses yeux de fauves, qui m’indiquèrent un pauvre abruti de première, près du bar. Comme vous voudrez, madame. Je fis demi-tour, me demandant l’espace d’une seconde si tout ceci n’était qu’une ruse pour s’éclipser en douce : si tel avait été le cas, je crois que j’aurais grandement été déçue. Des techniques minables d’esquives, aussi dignes que « Oh regarde un éléphant rose ! » Je ne jetais cependant aucun coup d’œil par-dessus mon épaule : confiante. Confiante, parce que la jolie brune semblait plus intelligente que ça. Mais puisqu’elle semblait avide, soudainement, de jouer, pourquoi m’en priverai-je, moi aussi ? Quelques mots à l’oreille de l’idiot du village suffirent à le convaincre d’ouvrir son portefeuille (de mauvaise qualité, et bien vide !) pour acheter une boisson à la brune au tempérament de feu. Je croisais mes bras recouvert de la dentelle noire de la robe sur ma poitrine, et observa la scène, avant de fendre à nouveau la file, pour rejoindre les deux tourtereaux. Sans un mot, juste un sourire. Et mes yeux bleus fixés sur le visage colérique de la brune : ouh, mais c’est qu’elle mordrait presque ! Si c’est son fantasme… Je suis prête à jouer le jeu ! « Moi aussi, j’ai un truc pour toi. » Le contenu du verre tendu gracieusement par l’idiot trouva refuge sur le visage dudit idiot, et un rire s’échappa de mes lèvres entrouvertes. « Donne moi ça. »
SPLASH. Je fermais les yeux sous le choc. Voilà qui était… beaucoup… beaucoup moins drôle… Et quand je dis beaucoup, c’est un euphémisme. Crazy Bitch ! « Merci beaucoup pour cet agréable moment. » Je battis des cils, et regarda la serviette qu’elle m’avait tendu virevolter jusqu’au sol, alors que je m’apprêtais à tendre la main pour la prendre. Je la regardais, à terre, attapant le châle d’une fille sur ma droite, manquant de l’étrangler, et m’essuya les yeux. Texture agréable au touché, voilà qui avait dû lui couter un bras ! Je tirais d’un coup plus sec, et me retrouva avec le châle entier dans la main, tandis que des cris d’irritation résonnaient sur ma droite. Oh tais toi ! « Oups ! » « Si maladroite ! » Pétasse !. Elle rit, l’idiote, et tourna les talons, alors que je laissais mes yeux glisser le long de son dos, de sa chute de reins. Mmm. Elle se retourna soudainement, vivement, mes yeux se trouvant maintenant au niveau de son ventre. Nullement gênée, je relevais lentement les yeux, jusqu’à son visage, qui semblait avoir perdu cet air renfrogné, pour un… Mix de… victoire, et … étais-ce de l’amusement, que je lisais dans son regard farouchement rivé dans le mien ? « Ah ! Au fait, moi… c’est Daniella. » Boum. Echec et mat ! Elle ne le savait pas encore, mais elle avait… perdu ! Je jetais le châle à terre, une fois le visage essuyé. L’idiot du village se pencha pour le ramasser, histoire de limiter les dégâts (il aurait fallu t’y prendre vingt ans plus tôt mon gars). « Piacere di conoscerti, Daniella. »* Je me penchais en avant, lui adressant une petite révérence ironique. Da-ni-e-lla. Charmant, ce prénom. Da…Ma langue qui venait caresser mes dents avec douceur… Ni… Ma lèvre inférieure qui se pulpait légèrement… E… ma bouche, entrouverte… Lla… Ma langue qui venait caresser sensuellement mon palais, finissait tout contre mes dents, avant de claquer. Vivement. Je souris. Elle m’avait donné son prénom, elle, qui se refusait à jouer avec moi. S’en rendant compte, ou non, elle avait lancé les dés. C’est comme le Jumanji : elle ne peut plus arrêter maintenant qu’elle a commencé. « Joli prénom pour une jolie femme. » Je m’amuse, je m’amuse ! Je fais un pas dans sa direction, puis un second, et un troisième, et m’empare de sa main, que je presse doucement dans la mienne, ma seconde main contre le dos de la sienne, comme pour emprisonner son membre, sans intention de le lui rendre. « La politesse veut que l’on serre la main des gens, quand on se présente… » Je fais un pas de plus vers elle, me rapprochant. « Ou qu’on les… embrasse… » J’ai l’air sérieuse, et pourtant : je me retiens pour ne pas lui rire au nez, battre de mains, et sautiller sur place, tellement tout ceci est divertissant. Les arrêtes de son nez qui frétillent, ses yeux posés sur moi dans lesquels passent mille et une émotion : je me délecte de sa présence, je me délecte de ses réactions. Je me délecte d’elle. Finalement, c’est MOI qui devrait la remercier pour cet agréable moment…

Spoiler:

Le sourire satisfait de Dan étirait ses lèvres pulpeuses alors qu'elle venait de renverser le contenu de son verre sur le visage amusé de Cleo. D'ailleurs, elle semblait bien moins rire désormais. Dan ricanait intérieurement, le regard provoquant. Elle était comblée. Il était important pour elle de faire comprendre quel genre de personne elle était. Alors non, elle n'était pas de ces petites prudes qui rougissent, pas non plus de ces fausses sauvages à la grande gueule mais qui n'assure plus ensuite. Non, elle, elle était entière absolument vraie dans toutes ses actions. Rien n'était jamais laissé au hasard, ça ne lui ressemblait pas. C'était elle qui décidait où, quand et comment. C'était elle qui décidait de tout et il fallait s'y accommoder, pas le choix. Sinon, adios. Dan haussa brièvement un sourcil en voyant Cleo arracher du cou d'une jeune fille un foulard pour le moins élégant, il donnerait presque envie. La jeune fille, après avoir faillit mourir étouffée, s'époumona contre Cleo qui s'essuyait avec. Intéressant. Mais les sourcils de Dan se froncèrent et elle jeta un regard sévère à l'intruse, sa voix l'agaçait. Et il y avait déjà ici bien assez de bruit pour ne pas qu'elle en rajoute une couche. Surtout avec une voix aussi haut perchée, ça lui usait les tympans. Mais son regard dévia à nouveau, se reposant sur la serviette qui venait de terminer sa course au sol. Oups. « Si maladroite ! » Oh oui, si maladroite ! Elle était confuse. Elle resta plantée devant elle, stoïque, presque détendue même. Et après une ultime confrontation du regard, Dan tourna les talons et commença à s'éloigner. La soirée fut bonne, il était donc temps de rentrer. Mais il serait en réalité bien dommage d'en rester là. Voir cette rousse martyriser les gens pour son bon plaisir était une occasion qui ne se représenterait pas de si tôt. Et ce serait fort dommage ! Parce que, si c'était assez délicieux d'enfoncer quelqu'un, ça l'était encore plus quand quelqu'un le faisait pour vous. C'est pourquoi, histoire de ne pas la décourager trop tôt, elle se retourna pour lui offrir son prénom. Va s'y, savoure Cleo, profite, soit ivre de victoire si tu veux. Ça ne durera pas longtemps. « Piacere di conoscerti, Daniella. » Dan resta immobile, le visage neutre. Elle parlait seulement anglais et français et n'avait donc pas comprit un mot de ce qu'elle venait de dire, surtout dans tout ce capharnaüm. Mais elle s'en foutait. Quoi qu'elle dise, ça n'avait pas d'importance à ses yeux. Aussi romantique ou détestable que ce soit. Les yeux de Daniella s'arrondirent alors que Cleo lui offrait une légère révérence. « Joli prénom pour une jolie femme. » Mon dieu, que tout ceci était cliché. Un peu plus et elle se croirait bien des années plutôt, dans la salle de danse d'un château français, un corset autour du buste et forcée de danser avec le premier inconnu venu. C'était assez étrange. Elle eut une petite grimace et la toisa clairement. Mais la voilà qui s'approchait d'elle et Dan plissa aussitôt les yeux, méfiante. Elle pourrait tourner le dos et s'en aller, mais ça ressemblerait trop à une "fuite". Et Dan ne supportait pas l'idée que l'on puisse la prendre pour une lâche, parce qu'elle était tout sauf lâche. Sa main se retrouva dans la sienne et un contact gênant fit pression dans le bas de son dos. Dan avait déjà du mal à supporter qu'un garçon soit trop tactile, alors une fille ! C'était bien pire. Elle eut un mouvement de recul, mais Cleo la tenait si bien que ça ne changea pas grand chose. « La politesse veut que l’on serre la main des gens, quand on se présente… » Le visage de Daniella se durcit aussitôt et elle écrasa la main de Cleo dans la sienne, la mâchoire crispée. « Ai-je l'air d'être quelqu'un de poli ? » Non, elle n'en avait pas l'air et elle ne l'était pas. Dan créait des scandales partout où elle passait, elle snobait la plupart des gens, se fichant royalement de leur existence. Elle ne serrait pas les mains ni quoi que ce soit d'autre. Parce que Dan emmerdait le monde entier. Voilà. « Ou qu’on les… embrasse… » Pardon ? Dan arqua de façon exagérée l'un de ses sourcils, le regard planté dans le sien. Ses prunelles se font de plus en plus agressives alors que la tournure de cette nouvelle conversation lui déplaisait. Un sourire forcé naquit sur son visage et alors que dans une dernière pression elle serrait la main de Cleo encore plus fort elle siffla entre ses dents : « Essaye pour voir. » Il était clair qu'il valait mieux pour Cleo qu'elle n'essaye pas. Dan ne supporterait pas. Premièrement elle ne supporterait pas qu'une personne soit aussi entreprenante à son égard parce qu'elle avait l'impression de perdre le contrôle de la situation et ça la mettait en boule. Et deuxièmement... parce qu'elle n'embrassait pas les filles, tout simplement. Alors qu'elle aille au diable ! Dan l'a trouvait divertissante lorsqu'elle s'attaquait aux autres. Mais là, elle n'aimait plus du tout sa proximité. Qu'elle aille se trouver une pauvre fille alcoolisée prête à dire oui à n'importe qui si elle était en manque d'affection. Dan n'avait rien à lui offrir.