Raphael Davis

"Once again, i leave my grave"

Du sang... Quelques gouttes rouges sombres qui juraient sur le carrelage clair. Earl s'était encore énervé. Et il y était allé fort, très fort, trop fort. Raphael, les cheveux en bataille, les yeux rougis et gonflés, était debout dans la cuisine, pantelant, et fixait ces taches comme s'il craignait qu'elles ne lui sautent à la gorge telle une bête féroce. Il ne savait pas quoi faire, comme d'habitude. Il avait attendu son petit frère toute la soirée : Dwayne, 16 ans, armoire à glace dont le passe-temps favori était de traîner avec des branquignoles adorant rouler des biceps. Mais la dispute avait soudainement éclaté, comme à l'accoutumé. Les cris rauques du vieux déséquilibré avaient résonné dans tout l'appartement. Ces coups aussi, d'ailleurs. Quant aux gémissements de douleur de sa mère qui en avaient découlé, ils avaient brisé les oreilles et le coeur de Raphael. Il avait bien tenté de s'interposer, en hurlant de tous ses poumons. Mais il s'était pris une droite, s'était fait jeter à terre et avait fini sa course dans le coin-poubelle de la cuisine. C'était toujours comme ça. Il n'était bon à rien. Aucune force, aucun courage. Même s'il ne cessait de se répéter qu'1m75 maigrichon et faible avait peu de chance contre 1m90 baraqué presque ivre et en colère. Alors que son petit frère, lui, pouvait lutter. Mais il n'avait rien à voir avec lui. Et Dwayne avait beau être le plus jeune, à chaque fois, les gens croyaient qu'il était le grand frère et Raphael le plus petit. En même temps, il fallait l'avouer, le jeune homme venait peut-être d'atteindre ses 18 ans, mais il en paraissait facilement 15. Alors que Raphael consolait doucement sa mère qui pleurait en silence dans le couloir, le nez en sang, et que Earl, l'ordure qui lui servait de père, s'était affalé devant la télé, la porte d'entrée s'ouvrit et se referma lentement. Dwayne venait de rentrer, à minuit bien tassé. Il allait sortir de ses gonds en sachant ce qui s'était de nouveau passé. Même s'il était plus jeune, il était doté d'une carrure de catcheur et pouvait parfaitement maîtriser Earl. Aucun doute là-dessus. Ce qui l'avait empêché d'agir jusqu'à maintenant, c'était leur mère qui ne cessait de leur répéter "qu'il pouvait changer, redevenir comme avant". Mais Dwayne n'allait sûrement pas pouvoir se retenir cette fois-ci. A l'instant même où il croisa le regard de son grand frère, accroupi à terre aux côtés de leur mère, des bleus couvrant sa figure et ses bras et qui avait du mal à éponger son sang, il comprit immédiatement. Raphael remarqua une flamme luire dans ses yeux, sa mâchoire se contracter et ses poings se serrer. Son frère atteignit Earl, installé dans leur pièce à vivre, en deux grandes enjambées. Il se plaça entre lui et le poste de télévision. - Dégage de là p'tit merdeux ! - Entre nous deux, c'est toi qui dégages. Et j'suis pas petit. Earl le scruta de ses sales yeux porcins, à moitié surpris par la réponse. Dwayne n'attendit pas qu'il réagît et le souleva du fauteuil en le maintenant par le col. Son père lâcha la bière qu'il tenait à la main, et son contenu se renversa sur la moquette déjà tâchée. Avec force il le plaqua contre le mur le plus proche et rapprocha son visage du sien. - T'as intérêt à t'casser d'ici vite fait, avant que j'te décalque la gueule sur le mur. Earl se mit à rire. Mais son rire sonnait faux. Et d'une voix blanche, il répondit : - Et tu veux me faire quoi ? Dwayne ferma son poing et voulut décocher un coup, mais l'autre esquiva et son poing percuta le plâtre à quelques millimètres du visage d'Earl. Le garçon serra les dents pour taire la douleur et commença à secouer le tas de fumier qui lui faisait face. En représailles Earl attrapa le cou de son fils de ses deux mains pour l'étrangler. Mais celui-ci riposta avec violence et le renversa sur le sol. Ils se frappèrent à terre, de leurs poings, de leurs pieds, s'empoignaient la tête, assénaient de coups leur poitrine, et il était difficile de savoir lequel des deux prenait le dessus. On aurait dit deux taureaux en plein combat. Ils renversaient tout sur leur passage, et les tables, les chaises, les bibelots s'écroulaient avec fracas. Un tumulte de guerre. Et la guerre, c'était plus ou moins ce qui avait lieu dans cet appartement. Dwayne se releva, enfin, avec beaucoup de peine. Son visage était tuméfié de toutes parts, et Raphael en fut terrifié. Il cachait le visage de sa mère contre son torse, l'entendant bredouiller sans cesse « Non, non, non », mais elle n'avait plus la force de résister. Plus la foi de défendre celui qu'elle avait aimé. Elle avait pris conscience... Ou plutôt elle avait abandonné, et c'était tant mieux, pour une fois. - J'suis ton père. Tu dois m'obéir, sale morveux ! grommela Earl, couché à terre en chien de fusil, des entailles sur les joue et les lèvres, un œil à moitié fermé et le nez cassé. - Tu n'es plus mon père... Tu n'es PAS mon père. Je n'en ai pas ! beugla Dwayne pour couvrir les paroles du vieux con. - Carlee... Carlee, dis quelque chose, putain, tu n'peux pas le laisser dire ça ! bégaya le tas d'ordures à terre, tout en essayant de ramper vers sa femme. Raphael resserra son étreinte autour de sa mère et posa la main sur ses cheveux pour qu'elle ne soit pas tentée de relever la tête. Il fronça les sourcils : si Earl s'approchait davantage, il serait capable de le mordre jusqu'au sang. Mais son petit frère intervint avant. - Ne t'approche pas d'elle ! rugit-il. Il empoigna Earl sauvagement et le traîna jusqu'à la porte. Il l'ouvrit avec violence, d'un grand coup d'épaule et balança le vieil amoché sur le palier, comme un vulgaire sac à merde. Ce qu'il était, de toute façon. Les voisins avaient entrouvert leur porte pour jeter un œil et savoir ce qui se tramait. Mais ils refermèrent bien vite. Peut-être pour appeler la police. Earl se remit péniblement sur ses jambes tout en émettant des sons rauques, mélange de plaintes et grognements de colère. - Tu t'en tireras pas comme ça, enculé ! Dwayne cracha à ses pieds, brandit son poing devant la face livide de son père qui n'en était plus un, et claqua violemment la porte. Pendant une bonne demi-heure, Earl stationna dans le couloir et tambourina à la porte tout en proférant des insultes toutes plus ignobles les unes que les autres. Dwayne fit la sourde oreille et s'occupa exclusivement de sa mère. Il soigna tant bien que mal ses blessures et tenta de lui faire recouvrer ses esprits, puisque Carlee semblait être totalement ailleurs, répétant continuellement « Non, non, non » tout en se balançant d'avant en arrière. Raphael, quant à lui, restait les bras ballants, ne sachant que faire et jetant des coups d'oeil inquiets à la porte d'entrée. Earl finit par se lasser et l'on entendit ses pas lourds s'éloigner. Il allait certainement décuver et se soigner chez un de ses amis-poivrots. Aucun agent des forces de l'ordre n'intervint : les voisins n'avaient pas osé, ou la police n'avait pas voulu se déplacer. Après que Dwayne ait couché leur mère et que Raphael l'ait calmée de son mieux, le plus jeune frère commença à rassembler en hâte quelques affaires. - Demain matin, à 5h, on s'barre de là. On va crécher quelques jours chez un pote. Et on verra après. Pas question de revenir ici. ☼ ☼ ☼ ☼ ☼ - J'serai rentré vers 23h. M'attendez pas pour bouffer. Dwayne referma la porte à clé de l'extérieur, son sac de sport et ses gants de boxe portés par dessus l'épaule. Son grand frère soupira : il n'aimait pas particulièrement rester seule avec sa mère. Pas qu'il n'aimait pas sa compagnie : il adorait sa mère, il aurait tout fait pour elle. Mais depuis deux ans, elle était ingérable, avec cette maladie d'Alzheimer qui s'était déclarée soudainement. Raphael était certain que le passé qu'elle avait vécu... qu'elle avait subi, même, était en cause. Même si ça restait à prouver. Carlee oubliait où elle habitait, ce qu'elle faisait, à quelle époque on était... et surtout qui étaient ses fils. Parfois, elle était prise de véritables accès de panique et il était difficile de la calmer. Elle était complètement dépendante d'eux. Et Raphael se tenait toujours sur le qui-vive : pour la surveiller, répondre à ses besoins, anticiper ses moments d'agitation... Ce qui le lessivait, à chaque fois. Surtout qu'il quittait rarement le deux-pièces qu'ils louaient, et s'occupait donc quasi exclusivement de leur mère. Depuis que son petit frère et lui avaient quitté, avec leur mère, l'appartement où ils vivaient avec Earl à Norfolk, ils s'étaient tous trois débrouillés. Ils avaient fini par partir du Nebraska pour s'éloigner d'Earl (qui n'avait pas cherché à les retrouver de toute façon), et s'étaient installés dans un Etat voisin : le Wyoming. Dwayne avait trouvé rapidement du travail. Même si au début, c'était à la limite de la légalité. Il participait à des combats de rues ou privés et empochait pas mal de gains, étant donné que ses victoires étaient de plus en plus fréquentes. Récemment, il s'était fait remarquer par un entraîneur aguerri et reconnu dans le milieu, et il concourait désormais à de véritables combats de boxe officiels (et légaux). Les sommes étaient de surcroît plus élevées, même si insuffisantes pour offrir une véritable maison d'aide médicalisée à Carlee, leur mère. Mais avec ça, ils avaient pu emménager dans un appartement décent et confortable, ce qui était beaucoup mieux que le premier studio miteux dans lequel ils s'étaient entassés à trois, à leur arrivée dans la région. C'était donc Dwayne qui subvenait à tous leurs besoins, quasi entièrement. Raphael parvenait à dénicher de temps à autres quelques jobs à mi-temps ou quelques CDD, mais rien de bien sérieux. Il ne cherchait pas vraiment, non plus, il fallait l'avouer. Et sa motivation était encore plus minime ces temps-ci. Le divorce avec Alicia lui « avait sapé le moral » (selon lui), « l'avait détruit et transformé en zombie » (selon Dwayne). Il avait rencontré Alicia dans l'un des cafés des quartiers chics de la ville. Ce jour-là, il s'était perdu, puisqu'il venait de débarquer seulement depuis quelques semaines dans cette ville, après avoir vagabondé dans le Nebraska et le Wyoming pendant 3 ans, et il ne connaissait pas encore tous les quartiers. Ce n'était pas un coup de foudre ou une attirance du premier regard, comme dans ces fichus films romantiques. Ils ne s'étaient même pas remarqués. Raphael, d'apparence et de caractère plutôt froids, passait rarement son temps à mater les filles ou chercher l'âme sœur. S'il l'avait repéré et accosté ce jour-là, c'était simplement en raison d'un geste (étrange) qu'avait fait la jeune fille : elle était en train de lire à une table, une tasse de café fumant devant elle, et soudain, souhaitant arrêter sa lecture et marquer sa page, elle arracha un seul de ses cheveux blonds et le glissa dans le livre. Raphael, qui regardait autour de lui pour retrouver son chemin, avait aperçu, un peu au hasard, ce réflexe bizarre. Il eut du mal à croire ce qu'il avait vu et laissa échapper un petit rire sardonique, assez fort cependant pour que la jolie blonde l'entendît. Elle fronça les sourcils tout en le scrutant d'un regard condescendant. Raphael se sentit obligé de s'expliquer. Sur un ton narquois, bien entendu. - Si vous faites ça à chaque fois que vous lisez, vous allez être chauve dans pas longtemps ! Après une demi-seconde de réflexion, elle lui sourit et lâcha un adorable : - De quoi j'me mêle, monsieur-le-paumé? Dans d'autres circonstances, si ce jour-là il n'avait pas fait beau, si Raphael s'était levé du pied gauche, si un rayon de soleil n'avait pas adouci et magnifié les traits et le sourire (même sarcastique) de la belle blonde à cet instant précis, le jeune homme l'aurait très certainement rembarré, et aurait peut-être même renversé le café sur ce beau chemisier rose pâle qui devait coûter une fortune. Au contraire, il avait rit, d'un rire franc et frais et s'était installé en face d'elle. - Monsieur-le-paumé s'appelle Raphael, mad'moiselle-l'arracheuse-de-cheveux. Cette réaction avait eu l'air de la satisfaire, et dans un sourire en coin, elle souffla : - Alicia. Ils s'étaient revus, appréciés, peut-être même aimés. Elle était cultivée, élégante et riche. Lui était dans la galère et avait mis fin à ses études à 17 ans. Quel cliché ! La Belle et le Pauvre. Pouah ! Elle lui avait fait connaître le goût des livres. Il lui avait appris à vivre un peu plus au jour le jour, à apprécier l'instant présent, et à être moins pédante surtout. Au bout d'un an ils s'étaient mariés sur un coup de tête : il avait 21 ans et elle bientôt 25. Mais leur mariage n'avait même pas duré trois mois Ils n'étaient pas faits pour finir ensemble, et ils le savaient. Alicia l'avait définitivement quitté le jour où elle prit réellement peur : ils s'étaient disputés (c'était de plus en plus fréquent) et lorsqu'Alicia avait voulu sortir de la pièce, Raphael l'avait retenu violemment par le bras. Il le serra à lui en faire mal et la jeune fille laissa échapper un cri de terreur lorsqu'elle remarqua la flamme sauvage qui brûlait dans les yeux de son mari. Il commença à secouer rudement son bras, le comprimant toujours comme dans un étau. Il sembla enfin reprendre ses esprits lorsqu'Alicia, terrifiée, bredouilla son prénom. Raphael. Ce jour-là, elle avait pris quelques affaires et avait claqué la porte, avec son bras et son coeur douloureux. Raphael n'avait de cesse, depuis, de s'en mordre les doigts. Il l'avait perdue. Le divorce fut long et pénible, puisque Raphael n'avait pas les moyens de payer. Alicia, qui s'était rapidement remise avec un beau brun fortuné, issu de son monde (cet arrangement avait dû se faire avant même sa rencontre avec Raphael), avait insisté pour payer la totalité des frais. Cependant, après le divorce, Raphael envoya chaque mois une petite somme pour rembourser son ex (et son futur nouveau mari), avec ce qu'il gagnait de ses petits boulots. Et depuis, le jeune homme s'intéressait encore moins aux histoires de cœur, quant à sa sensibilité amoureuse, elle était devenue quasi inexistante. Toute cette histoire de divorce avait pris fin il y a quelques mois déjà et Raphael venait d'avoir 23 ans. Toujours aussi perdu, voire perturbé, il passait ses journées à s'occuper de sa mère, quand il ne travaillait pas. Mais un jour, il eut un déclic. Son déclic. C'était en regardant à la télévision l'arrestation d'un homme ivre qui s'était dénudé: cet individu lui rappelait vaguement celui qui était son père (même si l'homme de la télé n'était pas du tout lui). Il savait ce qu'il devait faire. ☼ ☼ ☼ ☼ ☼ /!\ Scène (un peu) violente (on ne sait jamais xD). Il l'avait rapidement localisé. Il s'était rapproché de la frontière entre le Nebraska et le Wyoming. Mais ce n'était pas volontaire, il s'était juste laissé porter là où le vent l'avait amené. Ou la soif plutôt. Et puis Earl était plus que prévisible. Il suffisait de ratisser les vieux troquets et autres débits de boissons du coin. Il n'avait pas changé, seulement un peu vieilli et enlaidi, en raison de quelques années de malbouffe et d'alcool en plus. Raphael avait trouvé un prétexte pour expliquer son absence de quelques jours : il avait annoncé à son frère qu'il avait une mission de coursier dans l'Etat voisin. Celui-ci ne l'avait pas vraiment cru, mais il n'avait rien objecté malgré ses soupçons. Raphael savait que son petit frère n'aurait pas apprécié qu'il tente d'aller discuter avec leur "père". Il avait réservé une chambre dans un petit hôtel bon marché dans le centre de la ville où il avait repéré Earl, après avoir glané toutes les informations possibles sur lui. Celui-ci travaillait désormais dans un garage depuis quelques mois, et il traînait fréquemment dans les bars, ce qui n'était pas du goût de tout le monde, bien sûr, mais il s'en moquait. Raphael voulait lui parler. Lui dire ce qu'ils étaient devenus même sans lui. Lui rappeler qu'il n'était plus l'ado peureux, faiblard. Il avait grandi, mûri... Même s'il était loin d'être baraqué et robuste... Et même si on lui donnait toujours 3 ou 4 ans de moins que son âge en réalité, quand on le voyait. Voilà, il voulait juste lui parler. Et peut-être même juste le voir. Voir la pourriture qu'il était devenu. Ou plutôt qu'il était resté. Il se décida à l'accoster un soir, à l'une de ses sorties d'ivrogne. Il était bientôt 22h et Earl n'était pas encore tout à fait soûl. A croire qu'il tenait mieux l'alcool qu'avant, et qu'il s'enivrait plus tard que d'habitude. Earl sortit du bar et se dirigea vers sa voiture. C'était une vraie épave, mais il avait quand même une voiture, ce fumier ! Et aucun accident avec tout cet alcool qui circulait dans ses veines ! Earl ouvrit son coffre et commença à fouiller dedans. Raphael inspira et expira lentement, plusieurs fois, caché derrière une camionnette, puis il se lança. Il s'approcha d'Earl et le héla. Ce dernier se retourna, surpris, et plissa les yeux pour tenter de reconnaître celui qui l'interpellait. Le jeune homme s'arrêta à un mètre de lui et marmonna: - S'lut Earl. C'est Raph... Tu sais... Ton fils, avait-il envie de rajouter. Celui que tu frappais quand t'en avais marre de ces « putains de boss qui gueulent tout l'temps et s'en mettent plein les poches », quand tu râlais contre ces « foutus étrangers, black-beur-jaune qui ne foutent rien, sauf des conneries », quand tu pestais contre ces « sales cabots qui chient partout dans la rue et aboient toute la nuit »... contre ta propre famille, ta femme, tes fils, parce qu'ils existaient, tout simplement. - Raph... C'est toi? Un silence. Pesant. Et un sourire mauvais se dessina sur ses lèvres sèches d'ivrogne. - C'est toi l'merdeux. C'est bien toi... Toujours pas plus de couilles hein? C'était sa manière à lui de dire "Ca va?" Earl se rapprocha dangereusement. Enfin ça avait paru dangereux du point de vue de Raphael. Le vieux tenait une bouteille à la main qu'il brandit devant lui, la balançant sous le nez du garçon et émit un rire rauque qui avait été perçu comme sadique par le jeune homme, sur le coup. Mais finalement, avait-il eu vraiment l'intention de frapper Raphael, à ce moment ? Ce dernier ne le sut jamais véritablement puisqu'il réagit au quart de tour, sans réfléchir. Pas question de se laisser faire cette fois ! Il attrapa son bras et le tira vers l'avant. Il réussit ainsi à faire tomber Earl par terre et à lui asséner un coup de bouteille (qu'il venait de lui arracher des mains) sur le crâne. Force de mouche oblige, Earl sentit à peine le coup et se remit sur ses pieds pour sauter sur le jeune brun. Il l'attrapa par le cou et le souleva quasiment de terre, le plaquant contre un coin de la voiture, juste à côté du coffre ouvert. Tiens, cette scène lui rappelait quelque chose. Mais là c'était Raphael qu'on étranglait. Et à part tenter de donner des coups de pieds et essayer de desserrer l'étau qui lui comprimait la gorge, il ne pouvait faire grand chose. Il balbutiait, tentant de se faire entendre, mais son visage commençait à prendre une teinte inquiétante. Dans un dernier élan d'espoir, il tâta le sol du coffre ouvert et sa main tomba sur ce qui semblait être un marteau. Il rassembla ses dernières forces et souleva la masse pour l'abattre sur le crâne de son adversaire. Celui-ci, sonné par le choc, lâcha prise et recula de quelques pas. Raphael eut peur qu'il revienne à la charge. Mais surtout, il sentit monter en lui une certaine jouissance. L'heure de la vengeance avait sonné. Qu'il crève ce fumier. QU'IL CREVE ! Le voyant toujours debout, il envoya un autre coup de marteau sur le côté du crâne de son adversaire, de toutes ses forces, forces qui semblaient avoir décuplées sous l'effet de l'adrénaline. L'empreinte du marteau apparut sur la peau et... quelque chose gicla. La boîte crânienne semblait... brisée. Earl s'écroula, mais il continuait à gémir, de plus en plus faiblement. Pour qu'il s'en sorte, et éviter une hémorragie (interne, ou externe, il ne savait pas), ou un traumatisme crânien, il fallait un médecin, qu'il aille aux urgences rapidement. Raphael regarda autour de lui et constata que trois témoins avaient assisté à la scène. L'adrénaline du jeune homme était redescendue aussi vite qu'elle lui était montée à la tête. Il s'approcha d'un des témoins, une petite dame âgée, encore éberluée par ce qu'elle venait d'observer, et lui demanda d'appeler les secours. Elle s'exécuta sans broncher, se dirigeant vers le bar. Earl mourut sur les lieux à l'arrivée des ambulances et de la police. Raphael fut arrêté et autorisé à faire appel à son frère, qui rappliqua le plus vite possible après avoir emprunté une voiture à l'un de ses amis et avoir laissé la garde de leur mère à l'une des voisines qu'il connaissait. Les deux frères ne savaient pas à quoi s'attendre avec tout ce fatras judiciaire ! Ils n'avaient jamais connu ça. On attribua un avocat commis d'office à Raphael, avocat finalement plutôt bon dans son domaine et le jeune homme lui dût une fière chandelle. Toute cette histoire de tribunal, de juge, de jurés, d'avocats dura bien un an, et durant cette année, Raphael fit l'expérience de la garde à vue, de la surveillance de domicile et de la prison provisoire, en attente de son audience. C'était bien la seule fois où les deux frères étaient soulagés que leur mère n'ait plus toute sa tête, puisqu'ainsi elle n'avait pas à souffrir de toute cette affaire. Raphael, quant à lui, n'était finalement pas le plus perturbé par tous ces événements. Son petit frère, en revanche, avait plus de mal à gérer la situation, entre ses combats de boxe (leur unique gagne-pain désormais), leur mère qui perdait la boule et la défense de Raphael. Il était persuadé qu'Earl aurait tué son frère si ce dernier n'avait pas réagi et plaidait pour la légitime défense. Mais le présumé coupable n'en était pas si sûr, lui. Earl avait juste riposté pour se défendre et non pour attaquer le premier. Mais Raphael ne parvenait pas à se sentir coupable. Et s'il avait demandé d'appeler les secours juste après l'incident, ce n'était pas pour sauver la face de rat étendue à terre... C'était simplement parce qu'il avait remarqué la présence des témoins. Sans eux, il l'aurait laissé mourir sur l'asphalte... Ce qui était finalement arrivé. Il ressentait une certaine satisfaction en sachant qu'Earl pourrissait six pieds sur terre. Grâce à son initiative, de plus ! C'était ça... Raphael baignait dans une certaine jouissance, et n'éprouvait plus aucun remords quant à son geste. Et même si le tuer n'avait pas été son but premier, s'il le pouvait, il referait exactement la même chose. Au moment du jugement, son passé ne joua pas forcément en sa faveur : un fils battu par son père pendant son enfance avait un mobile de fait pour l'assassiner. Mais alors que le procureur chérissait une justice sévère, les douze jurés semblaient plus s'apitoyer sur le sort du jeune homme. De plus les témoins bénéficiaient à Raphael, en particulier la petite grand-mère à qui il avait demandée de prévenir les secours. C'était elle qui le soutenait le plus, même si la plupart des témoins s'accordaient sur un point identique : ils avaient tous vu et entendu le plus vieux crier et se jeter en premier sur le plus jeune, le menaçant avec une bouteille. Le jeune s'était défendu avec violence, certes, mais ça avait mal tourné. - Je vous jure, avec cette bouteille, il faisait vraiment peur. Il a menacé le p'tit. Il ne pouvait plus qu'essayer de se défendre. Il rappelait sûrement un petit-fils à cette vieille dame. Surtout que malgré ses 23 ans, il en paraissait à peine plus de 18. Mais Raphael savait que tous ces témoins n'avaient pas entièrement raison. Earl ne le menaçait pas avec cette bouteille. Il l'avait agitée au-dessus de lui et avait éclaté de rire parce qu'il était 1) presque ivre et 2) étonné de le voir ici. Le jeune homme avait réagi en premier, peut-être parce qu'en fait, il ne souhaitait pas seulement lui parler, mais, en vérité, voulait se venger... Au plus profond de lui, c'était peut-être ça qui l'avait fait agir : il voulait le faire payer. Il ne savait pas. Il ne savait plus ce qui l'avait poussé à l'acte. Mais il ne regrettait pas, c'était certain. -Pourquoi avoir porté un second coup de marteau sur le crâne d'Earl Gregor Davis, alors que celui-ci était déjà hors d'état de nuire? demanda le procureur, qui cherchait la petite bête depuis le début. - Je ne sais pas... J'avais peur qu'il arrive à me sauter encore dessus, pour m'étrangler. Mais au final, Raphael s'en sortit indemne. Les jurés le jugèrent coupable d'un homicide involontaire adouci par une légitime défense, à 8 contre 4. Raphael écopa ainsi d'une peine avec sursis et de mise sous surveillance, pour un an : ainsi, pendant une année entière, pour échapper à la prison, il ne devait pas récidiver et manquer à ses devoirs, et il était surveillé et chaperonné par un tuteur. Le juge et les jurés optèrent également pour un programme d'insertion : afin d'aider Raphael à s'intégrer et rentrer à nouveau dans "le droit chemin" (donc éviter la récidive, les prisons étant pleines à craquer), celui-ci devait bénéficier d'un emploi stable. On l'autorisa à continuer à vivre avec sa mère et son petit frère, s'il le souhaitait. Dwayne était devenu encore plus protecteur qu'auparavant avec son grand frère et il ne le lâchait plus d'une semelle (même si son travail l'en empêchait souvent). Encore pire que son propre tuteur, Daniel. Ce dernier, habitant déjà le Wyoming, avait déniché un nouvel appartement, un peu plus spacieux que le précédent pour Raphael, Dwayne et Carlee, dans le quartier Est Laramie de la ville. Il avait emménagé dans un studio à quelques rues de chez eux. Et il parvint également à décrocher un job pour Raphael, grâce au programme d'insertion : ayant eu connaissance de l'intérêt du jeune homme pour les livres, il réussit à lui offrir une place d'aide-bibliothécaire au sein de l'université du Wyoming. Avant de partir pour son premier jour de travail, Dwayne le retint à l'entrée : - Puisque l'autre n'est plus là... Tu peux éviter les conneries maintenant. Ok ? - Je vais essayer, p'tit frère. ironisa Raphael. "I'm (a little) psycho... but I looove you."

Ton prénom ou surnom • Tchazy Ton âge • 20 ans Que penses-tu du forum ? • Awesome ! Le concept me plaît bien, et pour le design : rien à redire ! T'es arrivé là comment ? • Euh... par hasard... Via un top-site je crois. Crédit • Tumblr, lista Un dernier mot Jean-Pierre ? • J'ai finiii ! Pfiou ! Mais j'ai toujours faim... Attablons-nous Maurice ! Festoyons ensemble, vil chenapan ! Haha, sinon, moi ça va et vous ?